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civilisés, le caractère d’un acte de force et de violence. Qu’on juge de ce qu’elles doivent être chez ces peuples barbares dont les passions ont conservé toute leur énergie native ! Nous ne retracerons pas le tableau sanglant de la révolution de Madagascar. Le roi est sommé plusieurs fois de révoquer la loi qui a motivé le soulèvement; il s’y refuse. Le peuple, excité par cette résistance, enflammé par des orateurs qui le haranguent, se dirige en armes contre le palais. Il le cerne, pousse des cris de mort. Ce n’est plus le retrait de la loi qu’il lui faut, c’est la vie des menamaso. Déjà onze sont tombés sous ses coups; ce n’est pas assez, il veut que le roi lui livre ceux qui se sont réfugiés auprès de lui. Radama s’indigne d’une pareille proposition. Alors les meneurs semblent vouloir entrer en compromis avec lui; on lui offre de conserver la vie sauve à ses favoris, mais pour les tenir aux fers à perpétuité. Il s’y refuse encore. Bientôt la reine intervient dans les pourparlers et promet au nom du roi de livrer les coupables à la condition qu’on leur épargnera la vie. Ils sont remis en effet aux mains des chefs de l’insurrection au milieu des cris de mort de la foule. Cependant toute la nuit le palais reste entouré par des hommes armés. Pourquoi continuent-ils le siège de la demeure royale ? N’ont-ils pas obtenu ce qu’ils demandaient? Le lendemain, une terrible réponse est faite à ces questions. Pendant la nuit, les chefs de la révolution avaient pénétré dans le palais, et Radama périssait étranglé de leurs mains. Telle a été la fin de ce malheureux prince. Il a régné trop peu de temps pour qu’on puisse se faire de lui une opinion bien exacte. Cependant on peut dire qu’il avait des instincts généreux, une aversion très prononcée pour la tyrannie que sa mère avait exercée, qu’il était enclin par goût aux usages européens, et qu’il aurait ouvert ses états aux lumières de la civilisation. Il manquait toutefois de la persévérance et de la fermeté nécessaires à un souverain réformateur. Sa vie, amollie par les plaisirs, sa mobilité d’humeur, qui livrait le pouvoir à ses caprices et aux caprices de son entourage, le rendaient peu propre à remplir le rôle du tsar Pierre Ier, que ses amis européens avaient rêvé pour lui.

La reine Rabodo, qui a succédé à Radama II, maintiendra-t-elle le traité ratifié en 1861, ou le désavouera-t-elle sous l’influence de la faction qui l’a appelée au trône? Dans le cas où le traité serait déclaré non avenu, la France pourrait-elle reprendre son ancienne position et contester la souveraineté de la reine? D’après ce qui vient d’être dit, on voit que la France ne gagnerait pas grand’chose à reprendre sa position antérieure : aussi est-ce sans regret que nous ajoutons que cela ne lui serait pas possible. Nous avons reconnu au roi de Madagascar la qualité nécessaire pour traiter avec nous de tous les intérêts de l’île; de ce que lui ou ses successeurs