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n’entendant pas laisser prescrire ses droits, renouvela souvent ses déclarations de souveraineté sur Madagascar, comme annexe de la couronne, et recommanda au gouverneur de l’Ile-de-France d’entretenir des relations suivies avec la grande île africaine en y maintenant quelques agens civils et militaires. C’est ainsi qu’en 1733, M. de Cossigny, ingénieur de l’Ile-de-France, fut envoyé à la baie d’Antongil pour y former un établissement; mais l’insalubrité du lieu fit renoncer à ce projet. M. de La Bourdonnais, en se rendant au secours de nos possessions de l’Inde en 1745, relâcha aussi dans cette même baie d’Antongil, et y trouva les moyens nécessaires pour réparer les avaries de son escadre.

Dans les années qui suivirent, quelques cessions de territoire nous furent faites par les chefs de la côte, par exemple l’île Sainte-Marie, où nous établîmes un poste qui fut massacré un an après. A Fanzahere, cédé à M. de Modave, nous n’eûmes pas plus de succès[1]. Au milieu de cette agitation stérile se détache en relief un épisode d’un caractère tout particulier, et qui exerce encore son influence sur les imaginations quand il est question de Madagascar. Nous voulons parler de l’intervention du baron Beniowski dans les affaires de cette île : Beniowski, personnage hybride, mi-nature de héros, mi-nature d’aventurier. Sans nous laisser attirer par le côté romanesque de son histoire, nous en détacherons la partie dans laquelle intervint le gouvernement français.

Évadé des prisons du Kamtschatka, Beniowski, après avoir erré à l’aventure, relâcha à l’Ile-de-France. Là son imagination s’exalta au récit des merveilles qu’on racontait de l’île de Madagascar, et tout aussitôt il conçut le projet de la coloniser; mais il ne réussit pas à inspirer confiance aux autorités de l’Ile-de-France. Il se rendit dans la métropole, parvint à se faire présenter au roi et à exposer ses plans aux ministres. Il fut écouté, et peu à peu communiqua au gouvernement une partie de l’enthousiasme qui l’animait. On lui donna le commandement d’une expédition considérable pour aller mettre ses projets à exécution. Il emmenait avec lui des volontaires de toute nation, des noirs et des blancs des deux sexes et de diverses professions. Il aborda en 1773 à la baie d’Antongil, prit solennellement possession de l’île de Madagascar et se déclara gouverneur-général au nom du roi de France. Rien n’égale l’activité qu’il déploie alors. Il assoit le chef-lieu de son établissement au fond de la baie d’Antongil, sur la rive droite et à l’embouchure de la rivière Thianbalan, et lui donne le nom de Louisbourg. Ce point était

  1. Ces cessions furent faites à Louis XIV dans les formes les plus solennelles par Beti, reine de Foulpointe et des autres pays de la côte est de Madagascar.