Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/684

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut obligée de faire en 1670 remise de ses droits sur Madagascar entre les mains de sa majesté. »

Malgré cet avortement de notre entreprise, nos droits de souveraineté furent sauvegardés avec une religieuse persistance. Louis XIV ne cessa pas un instant de considérer l’île de Madagascar comme appartenant au domaine de la couronne, auquel un arrêt du conseil d’état de juin 1686 la réunit solennellement dans les termes suivans : « Tout considéré, sa majesté étant dans son conseil, vu la renonciation faite par la compagnie des Indes orientales à la propriété et seigneurie de l’île de Madagascar, que sa majesté a agréée et approuvée, a réuni et réunit à son domaine ladite île de Madagascar, forts et habitations en dépendant, pour sa majesté en disposer en toute propriété, seigneurie et justice[1]. »

Les intentions de la France ne se manifestèrent pas seulement par ces actes. Aussitôt la remise au domaine de la couronne des droits sur Madagascar, dix vaisseaux, sous les ordres de M. de La Haye, viennent mouiller dans les eaux de la grande île. Le commandant de cette force navale, muni des pleins pouvoirs du roi, s’établit au fort Dauphin, pour y exercer l’autorité du roi de France; mais, bientôt dégoûté, M. de La Haye reprend la mer avec ses vaisseaux, et ne laisse plus derrière lui, pour représenter la France, que le commandant Charmagou et Lacaze, agent civil, deux Français qui avaient en toutes circonstances noblement maintenu l’honneur de notre drapeau. Malheureusement ils moururent peu de temps après. M. Labretsche, gendre de M. Charmagou, hérita du commandement; mais, sentant son incapacité, il s’effraya des difficultés qui l’entouraient : il prit le parti de s’embarquer nuitamment avec sa famille, pour se soustraire à un complot des naturels qui devait éclater dans la nuit de Noël (du 24 au 25 décembre 1671). Les Français, abandonnés par leur chef, furent massacrés; quelques-uns seulement parvinrent à se sauver dans des chaloupes et à rejoindre le bâtiment sur lequel le commandant Labretsche s’était réfugié[2].

Une période assez longue s’écoule (de 1670 à 1750) sans que nous trouvions aucune trace dans les documens officiels d’un acte caractéristique de notre politique relativement à Madagascar. Des navires français continuèrent à fréquenter les ports de la côte orientale de cette île, mais à leurs risques et périls, et sans aucune protection d’un établissement à terre. Toutefois le gouvernement français,

  1. Ces droits sont consacrés à nouveau dans les édits de mai 1719, juillet 1720 et juin 1725.
  2. Mémoire manuscrit inédit de M. Bedier, commissaire-ordonnateur à Bourbon, 1834.