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plus scrupuleuse des lois particulières qui le régissent, des exemples qui l’ont consacré. Les dessinateurs lithographes doivent-ils cependant imiter systématiquement la manière de tel ou tel de leurs prédécesseurs, et ne rien admettre dorénavant, ne rien chercher en dehors de ce qui a été fait avant eux? La diversité des talens qui se sont succédé depuis Vernet jusqu’à Gavarni prouve assez que, tout en respectant certains principes d’où la lithographie emprunte son caractère même et sa raison d’être, on peut suivre ses inspirations propres et donner carrière à son sentiment. Aussi souhaiterions-nous seulement que les artistes se souvinssent de ces exemples pour concilier à leur tour la liberté dans les intentions personnelles avec les justes exigences et les conditions nécessaires du moyen. Où, trouveraient-ils d’ailleurs, si ce n’est dans notre école, de sûrs enseignemens sur ce double devoir? Sans doute, depuis que la lithographie a été découverte, aucun pays de l’Europe n’a refusé, pour un objet ou pour un autre, d’en utiliser les procédés. Combien y en a-t-il toutefois qui revendiqueraient à juste titre une part d’influence considérable sur la marche de l’art? Quel est celui où des, artistes se sont produits, qu’on puisse, non pas opposer comme des rivaux aux maîtres français, mais seulement citer après ceux-ci pour l’originalité de la manière, pour la grâce ou la vigueur de, l’imagination? Quel nom étranger enfin, sauf le nom de Senefelder, est si étroitement lié à l’histoire de la lithographie qu’il soit impossible de le supprimer sans anéantir en même temps le souvenir! d’un fait significatif, d’un progrès?

En Italie, — et cela s’explique par les coutumes et le génie d’une école qui, de tout temps, a proscrit du domaine pittoresque l’expression familière, les intentions et le style de mezzo carattere dont se sont accommodées pourtant dans le même pays la poésie et la musique, — en Italie, le rôle de la lithographie est demeuré jusqu’ici à peu près nul. Dans l’école espagnole, hormis Goya, qui lithographia vers la fin de sa vie quelques pièces d’ailleurs bien inférieures par l’exécution à celles qu’il avait gravées autrefois en mélangeant les procédés de l’eau-forte et de l’aqua-tinte, on ne compterait guère d’artistes pour lesquels le crayon ait été rien de plus qu’un instrument d’opérations commerciales. Des portraits de personnages politiques dessinés tant bien que mal à mesure que les modèles attiraient sur eux l’attention ou la curiosité publique, des vues topographiques, quelques scènes de l’histoire contemporaine grossièrement retracées, comme cette série d’épisodes de l’Expédition dans le Maroc, publiée en 1861, tel serait à peu près le résumé des travaux lithographiques entrepris de l’autre côté des Pyrénées, si un grand ouvrage, exécuté, il est vrai, avec la collaboration de plusieurs dessinateurs français, l’Iconografia española, par