Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« …… Tout comme il y a des puissances qui sout attachées à la Suède et qui sans doute auront favorisé la révolution pour en tirer avantage en temps et lieu, tout ainsi il y en a d’autres qui, par leur situation, sont obligées à prévenir les desseins d’une puissance qui pourrait se servir de la Suède contre leurs intérêts. Je suis convaincu en mon particulier des sentimens du roi votre fils, je suis assuré qu’il n’a aucun dessein formé contre aucune puissance ; mais, avec le gouvernement d’à présent, la Suède deviendra, si elle conserve la paix pendant dix ans, puissance prépondérante. Jugez, ma chère sœur, avec équité, et dites ensuite si c’est caprice de la part du voisin formidable si, pour éviter qu’une puissance, qui tout à l’heure ne pouvait lui nuire, ne se remette en état d’être comptée encore dans la balance politique, il cherche à la prévenir

« ….. La Russie n’est pas la seule qui trouve son intérêt blessé par la nouvelle forme de gouvernement en Suède. Les Anglais en sont plus fâchés encore. Jugez, ma chère sœur, quelle sera la position du roi de Suède si ce feu vient à s’embraser. »……………………..


Quoique Frédéric et son frère s’efforcent de mettre la Russie en avant, fidèles au système qui devait mieux leur réussir en Pologne ; quoiqu’ils parlent surtout au nom des engagemens qu’ils ont contractés, leur langage est assez clair ; le désappointement et la mauvaise humeur les font sortir de toute mesure. La menace même se cache mal sous les conseils, et la cupidité éclate à propos de la Poméranie. « … Si on n’avait pas affaire à des parens, écrit le prince de Prusse à la reine douairière de Suède, on aurait un moyen sûr, en irritant les esprits, de s’emparer d’un domaine qui arrondirait nos états… » Frédéric, un peu plus réservé que son frère, ne peut cependant s’en taire, « … Ne pensez pas, écrit-il à la même reine, que mon ambition soit tentée par ce petit bout de la Poméranie, qui certainement ne pourrait exciter au plus que la cupidité d’un cadet de famille… »

Deux choses frappent surtout dans ces lettres intimes où s’épanche la pensée secrète de Frédéric et de son frère : la preuve flagrante, quoique devenue assez inutile, de l’existence des mêmes projets à l’égard de la Suède qu’à l’égard de la Pologne, puis le secret de la mauvaise humeur de M. Harris : les Anglais en sont plus fâchés encore. Il est naturel que ce diplomate ait ignoré, au moment où il écrivait, une partie de ce que le temps a éclairci depuis ; mais on s’étonnera qu’il pût se faire des illusions aussi grossières que celles où il risquait d’entraîner avec lui son gouvernement, qu’il ne vît dans la révolution suédoise qu’un jeu joué pour tromper la France et pour lui tirer de l’argent, qu’un complot odieux que Gustave aurait formé avec les ennemis de son pays pour leur livrer ses plus belles provinces en échange de leur acquiescement à l’exten-