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qui avaient salué avec plaisir le passage éphémère de la république, — des croyans sincères, des esprits moins soumis, qui ne sont peut-être, comme Fontenelle le disait de Leibnitz, que de stricts observateurs de la religion naturelle, — des constitutionnels se plaisant au jeu complexe des institutions parlementaires, des amateurs de la simplicité démocratique, il y a de tout cela dans le groupe amical qui prend part à la rédaction de Varia et de Francs Propos. Un œil exercé pourrait, à la simple lecture des articles, distinguer ces touches diverses. L’œuvre pourtant a un caractère d’unité qui s’accuse même chaque jour par des traits de plus en plus nets et déterminés. De volume en volume, l’inspiration commune prévaut davantage sur les tendances particulières. C’est donc vraiment l’union libérale qui passait en acte à Nancy et à Metz, pendant qu’elle n’était parmi nous qu’à l’état de projet contesté.

Et, chose remarquable, ce n’est pas ici une rencontre fortuite opérée sur le terrain mouvant de la politique quotidienne, c’est au contraire sur les hauteurs immuables de quelques principes que cette union s’est accomplie. Il ne s’agit point, comme on pourrait le croire et comme on le dira sans doute, d’une coalition de partis opposés, tous également vaincus, faisant un moment trêve à leurs haines pour monter ensemble à l’assaut d’un pouvoir dont la durée les importune. Les événemens du jour tiennent peu de place dans Varia, les noms propres n’en ont absolument aucune. Les sujets traités sont habituellement des considérations générales (trop générales peut-être) sur l’état de la France, ses mœurs, ses besoins, son avenir, envisagés en dehors de toute combinaison d’institutions ou de tout accident de dynastie. Les titres seuls font foi de ce but désintéressé. Le moyen de cacher des allusions factieuses sous des têtes de chapitres comme celles-ci : la Nouvelle génération, les Avantages de la province, Bourgeois et Gentilshommes, l’Education politique en France! Alors même que quelque accident contemporain fournit matière à des réflexions, comme dans l’article sur la Liberté de la Charité qui a suivi les mesures prises par M. de Persigny contre la société de Saint-Vincent-de-Paul, ou celui qui traite des décrets du 24 novembre 1861, la pensée est rapidement portée à une élévation théorique qui fait perdre de vue le point de départ. Le tour généralisateur et légèrement métaphysique qui paraît commun à tous les rédacteurs des deux recueils est même ce qu’une critique sévère pourrait leur reprocher, et ce qu’un bon juge n’a pas craint de signaler dans des termes pleins de bienveillance à leur correction. « Je me permettrai, monsieur (écrivait M. Guizot, le 25 juin 1861, au principal rédacteur de Varia, dans une lettre insérée en tête du troisième volume), de vous donner un conseil : marchez hardiment dans