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quelques années, le fond des lettres germaniques. Plus de poésie, plus d’imagination ; même sur le terrain des sévères études la grande invention fait défaut. Le public d’ailleurs ne semble pas exigeant ; il est encore fatigué des systèmes, les efforts des poètes le touchent peu, et il ne songe guère à s’élever au-dessus de l’observation du réel. Quelles sont les œuvres qui dans ces derniers temps ont le plus attiré l’attention ? Ce n’est pas le Magicien de Rome, ce long récit de M. Charles Gutzkow, qui a pourtant le courage de s’attaquer aux questions brûlantes ; il est vrai que l’auteur, enchevêtrant personnages et péripéties dans une intrigue sans fin,

D’un divertissement nous fait une fatigue.


Ce n’est pas non plus la trilogie de M. Frédéric Hebbel, les Niebelungen, bien que le sujet soit rajeuni avec art et le drame tracé d’un grand style, comme par un Schnorr ou un Cornélius poétique. Ni M. Gutzkow en exposant à sa manière les luttes religieuses de notre âge, ni M. Hebbel en nous reportant aux Germains primitifs, n’ont réussi à vaincre l’indifférence de la foule. Les œuvres qu’on lit le plus en dehors du public savant œuvres les mieux accueillies par cette classe de lecteurs qui exprime l’opinion, ce sont les œuvres d’histoire, surtout d’histoire assez récente, soit qu’elles se rattachent pour les états allemands aux préoccupations de leur politique intérieure, soit qu’elles flattent l’orgueil national. Si cette dernière condition est remplie et qu’il s’y joigne vis-à-vis de la France un esprit de haine ou de dénigrement, la réussite est certaine. C’est ainsi que l’Histoire de l’Allemagne depuis la mort de Frédéric le Grand jusqu’à l’établissement de la confédération, par M. Louis Haeusser, a obtenu un succès confirmé de jour en jour; c’est ainsi que M. de Sybel, distrait aujourd’hui par les luttes parlementaires de Berlin, a fait lire quelques-uns de ses mémoires sur les plus vives questions du monde moderne.

La branche la plus riche de cette littérature historique qui fait oublier aux Allemands la décadence de l’imagination, ce sont les travaux consacrés sous toutes les travaux consacrés sous toutes les formes à la poésie du passé. Un spirituel académicien disait l’autre jour à propos de notre situation littéraire : « La France a tiré son feu d’artifice; il ne reste plus qu’à ramasser les baguettes. » Cela est plus vrai de l’Allemagne que de la France. Ces ouvrages innombrables sur Goethe, Schiller et leurs contemporains, ne sont-ce pas comme les baguettes du grand feu d’artifice? Je ne parle pas des pages intimes où revit cette période, je ne parle pas de la vaste correspondance de Goethe avec Herder,