Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nir, tant en blé qu’en farine, représenterait une soixantaine de millions, sans compter le capital à immobiliser pour la construction des magasins, le roulement du service et l’intérêt des fonds accumulés. C’était demander l’impossible. Le décret ne fut exécuté nulle part, et le gouvernement lui-même l’a condamné en le retirant l’année dernière, non à Paris, mais partout ailleurs.

Paris se trouvait dans une condition exceptionnelle, grâce à la caisse de service, qui était devenue pour la boulangerie une espèce de banque spéciale, comme l’ancienne caisse de Poissy pour la boucherie. Le mécanisme de la compensation laissant toujours des fonds disponibles, on imagina de les utiliser en les avançant aux boulangers incapables de compléter l’approvisionnement exigé. Il y avait à immobiliser 550,000 quintaux métriques de farine, dont les six septièmes, soit 472,000, devaient être constamment disponibles dans les greniers et magasins publics. Les achats même, faits aux taux les plus favorables, entraînaient une dépense de 15 à 17 millions. La caisse de service, tout en pressant la formation des réserves, offrit aux boulangers de leur avancer les sommes qui leur manquaient, à intérêt de 5 pour 100, sur billets à ordre renouvelables de trois mois en trois mois, et avec le nantissement des sacs déposés. À ce compte, c’était la caisse elle-même qui formait la réserve : il n’y avait pour la boulangerie qu’un impôt et qu’un embarras de plus. Malgré les sacrifices de l’administration, il fallut quatre ans pour pousser l’approvisionnement jusqu’à la limite marquée par les décrets. En 1860, les six septièmes emmagasinés dans les greniers publics étaient représentés par 471,639 quintaux : sur ce nombre, 285,444 étaient donnés en nantissement. La caisse prêtait par quintal environ 27 francs 50 centimes, et elle avait avancé de cette façon 7,893,815 francs.

Le fameux grenier d’abondance ne pouvait abriter qu’un quart de cette accumulation. Il fallut que la ville traitât avec des entrepositaires particuliers, qui approprièrent de vastes magasins à Ivry, à La Villette, à Vaugirard. Les frais de ce service retombaient sur le boulanger, et c’était un rude surcroît de charges, car il faut des manipulations incessantes pour empêcher la farine de s’échauffer, de se peloter et de durcir, et comme la marchandise s’altérerait si on la laissait vieillir en magasin, la nécessité de la renouveler fréquemment infligeait encore des pertes de temps et d’argent. L’intérêt du fonds d’achat, les salaires et transports, les déchets et avaries, pouvaient être raisonnablement évalués à 3 francs par quintal. Le dépôt exigé variait, je l’ai dit, de 212 à 848 quintaux; c’était donc une dépense de 636 à 2,544 francs infligée au boulanger. On lit dans un document émanant de la préfecture de la Seine que