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et on l’entendit répéter : « Je ne veux pas qu’un tribun du peuple puisse me demander du pain. »

Sur un de ces ordres qui n’admettaient pas le retard, on se mit à l’œuvre pour organiser la boulangerie parisienne. Il est à croire que Chaptal passa la plume à un subalterne; ce devait être quelque capitaine amputé devenu chef de bureau. La note émanée de cette source, et conservée dans les archives, propose de limiter à 540 le nombre des boulangers, afin que chaque arrondissement en possédât 45 ; on les aurait en outre enrégimentés en trois classes : les jeunes, ceux de moyen âge, et les vétérans. La corporation devait être représentée par dix-huit délégués choisis au scrutin; mais, pour contenir sans doute les desseins ambitieux, cette assemblée se serait réunie dans un local ne pouvant contenir que dix-neuf sièges seulement, le dix-neuvième devant être réservé pour un agent du pouvoir. La bonne conduite ou les sages conseils auraient été récompensés par une décoration spéciale : des médailles de vermeil ou de cuivre doré. L’auteur insinuait dans une note qu’on pourrait bien « diminuer le nombre des consommateurs de Paris en éloignant un certain nombre de personnes considérées comme parasites ou dangereuses. » A vrai dire, ce dernier procédé aurait pu devenir le plus efficace pour diminuer le prix du pain. Au dernier moment, le ministre de l’intérieur présenta un projet moins déraisonnable; mais déjà la balance penchait en faveur de M. Dubois, dont le système reçut la sanction du premier consul.


II.

L’arrêté du 11 octobre 1801, qui a posé les bases d’une réorganisation, se résumait en ces quatre points : 1° ordre aux boulangers qui veulent s’établir de se munir d’une autorisation préalable délivrée par la préfecture de police; — 2° constitution d’un approvisionnement de réserve fourni par les boulangers eux-mêmes, en exigeant de chacun d’eux qu’il dépose 15 sacs de farine dans un magasin public, et qu’il conserve toujours à domicile une provision de 15 à 60 sacs, suivant l’importance de son commerce; — 3° formation d’un syndicat représentant la corporation auprès de l’autorité, et chargé spécialement de la surveillance des farines déposées à titre de garantie; — 4° défense aux boulangers de restreindre leur fabrication quotidienne sans l’autorisation de la préfecture de police, et de quitter leur métier sans en avoir donné avis à l’administration au moins six mois à l’avance. Les contraventions entraînent la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement avec la perte des 15 sacs déposés en garantie.