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ou, si l’on veut garder des images plus spirites, on pourra se représenter les périsprits comme habitant des maisons semi-matérielles ou « fluidiques, » se nourrissant du périsperme des fruits et s’entretenant dans un langage tout formé de périphrases. Leur principale affaire d’ailleurs, hors de leurs entretiens avec les humains, paraît être de réfléchir sur leur vie antérieure, d’en tirer les enseignemens qu’elle comporte et de former, en vue de leur prochaine incarnation, des résolutions dont ils perdront le souvenir en entrant dans leur nouveau corps.

C’est assez, nous avons fini. Nous ne prétendons pas avoir tracé du spiritisme une esquisse bien complète ; mais le trait principal s’accuse assez nettement. En résumé, on a vu que, depuis les grossières pratiques de M. Home jusqu’aux dictées médianimiques de M. Kardec, le spiritisme emploie un même procédé : il cherche en pleine matière les moyens de s’élever au monde spirituel. Quelle est la valeur de son effort ? Celle à peu près de l’effort que le baron de Münchhausen fit, au dire de la légende allemande, pour sortir d’un marais où il était embourbé. Cet illustre personnage saisit, comme on sait, sa perruque à deux mains, et la tira si fort de bas en haut qu’il parvint presque à s’extraire du bourbier !

Sur quel pied le spiritisme vit-il avec la philosophie et la religion ? Il a demandé leur amitié sans pouvoir l’obtenir. Il ne paraît pas cependant jusqu’ici qu’elles aient songé à lui déclarer la guerre ; mais de plus mauvais jours peuvent arriver pour lui. Voici déjà que vient de paraître un livre où M. Kardec est rudement traité par une plume catholique ; ce sont les Superstitions du paganisme renouvelées ou le Spiritisme dévoilé par un esprit de ce monde. Cet esprit de ce monde voit dans les séances médianimiques la participation manifeste des démons, et conclut en prédisant au spiritisme le sort d’Ochosias, roi de Juda, qui fut frappé de mort pour avoir voulu consulter Belzébuth. Le spiritisme fera donc bien de se prémunir contre les dangers qui peuvent l’assaillir de plusieurs côtés à la fois. S’il veut assurer son salut par quelque moyen ingénieux, il pourrait méditer cet exemple tiré de l’histoire du même baron de Münchhausen. Le noble sire vit un jour s’élancer contre lui d’un côté un tigre furieux, de l’autre un serpent boa à la gueule béante ; sans perdre un instant la tête, il attendit de pied ferme, et au moment où ses deux ennemis allaient l’atteindre il fit en l’air un bond si prodigieux qu’il leur échappa, pendant que le tigre allait s’engloutir dans la gueule du serpent.

Edgar Saveney.