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velle de la presse officielle. Cette action sera terrible pour la liberté, s’il n’y a pas de presse libre, et terrible pour l’état, s’il y en a une. On peut d’ailleurs signaler cette différence entre la presse religieuse et la presse officielle dans un pays sans religion d’état, que les diverses religions se font contre-poids, tandis que l’état est seul, et transforme aisément toute contradiction en délit politique. L’intervention directe du gouvernement dans la création et la vente des livres et dans la formation de bibliothèques est donc pleine de périls. Si même il ne fait que choisir dans les catalogues des libraires, il est à craindre qu’il n’emploie la fortune publique à récompenser des dévouemens politiques et à porter l’inégalité et le trouble dans la première et la plus importante de toutes les industries. Ce qu’il fait en petit avec les annonces judiciaires, il le ferait en grand avec les achats de livres ou même avec une simple désignation officieuse. Faut-il donc regretter les efforts de M. Rouland et condamner l’état à l’inaction? Pas du tout. Dans notre pays, où on a bien de la peine à agir tout seul, la circulaire de M. Rouland donnera une impulsion au dévouement individuel. C’est un premier et excellent résultat. Tout dépend d’ailleurs d’une question d’organisation. M. Rouland place la bibliothèque dans le local de l’école et sous l’autorité de l’instituteur. Rien de mieux; cela se pratique ainsi dans tous les pays où l’enseignement primaire est fortement organisé. Ces bibliothèques sont quelquefois exclusivement scolaires; quelquefois aussi on ajoute aux livres de classe employés par les instituteurs et leurs élèves des ouvrages d’une autre nature, destinés à être prêtés au dehors, soit aux élèves, soit à leurs parens. M. Rouland a pris ce second parti. Il y a donc en réalité deux bibliothèques sous la même clé, l’une purement scolaire, l’autre communale. Il faut les examiner séparément.

La première, pourvu qu’elle soit bien comprise, n’a rien que de très légitime et de très utile. Le principe en avait été posé, quelque temps après la révolution de juillet, dans un rapport au roi, approuvé le 12 août 1831, et dont voici les dispositions principales : « Une bibliothèque centrale, composée des ouvrages qui auront été jugés les plus propres à l’enseignement primaire, soit en France, soit dans les pays étrangers, sera établie à Paris. D’autres dépôts de même nature seront formés successivement dans tous les chefs-lieux d’académie. Le nombre s’en accroîtra peu à peu, et n’aura de limites que le nombre même des écoles primaires. » Ce projet n’a jamais été complètement réalisé. S’il peut l’être, grâce à l’initiative de M. Rouland et aux efforts de son successeur, pourquoi ne pas leur en savoir gré? On nous permettra toutefois de signaler une transformation assez curieuse qu’a subie cette bibliothèque classique