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ment le droit de professer leur culte, et par conséquent de le propager. Ce droit, quoiqu’il soit réclamé pour des communions religieuses, est un droit philosophique. La raison et la loi sont d’accord pour les leur assurer. Il est impossible de les troubler dans l’exercice de ce droit, à quelque degré que ce soit, sans attenter à la liberté de tous, car on ne peut violer la liberté de personne sans violer la liberté de tous. Jamais le droit ne peut être exceptionnel, car alors il serait un privilège, c’est-à-dire le contraire du droit. Quiconque est libéral doit donc réclamer pour les catholiques la liberté d’être catholiques, et par conséquent la liberté de répandre le catholicisme. Voilà qui est évident.

Mais ce droit, que tout esprit libéral accorde de toute nécessité aux communions religieuses, doit-on regretter qu’elles en fassent usage? Pourquoi le regretter, si nous sommes libéraux? Le caractère propre du vrai libéralisme, c’est de compter sur la force de la vérité. Protégeons-nous la vérité par la contrainte, nous ne sommes plus que des oppresseurs. Du moment que nous sommes libéraux, nous ne devons en appeler qu’à la persuasion, à la démonstration. Nous devons croire et nous croyons en effet que, pourvu que tout le monde combatte à armes égales, la victoire restera à la bonne cause, qui est la nôtre. Il ne s’agit donc pas pour nous de permettre que nos adversaires soient libres, mais d’aimer la liberté en eux. On objecte qu’ils sont intolérans : que nous importe? S’ils ne font que prêcher l’intolérance, c’est une doctrine, et une doctrine certainement fausse : nous la réfuterons. S’ils obtiennent au profit de l’intolérance l’appui du bras séculier, c’est autre chose alors, car il ne s’agira plus d’opposer une doctrine à une autre, mais de lutter contre la force. Il nous faut à tout prix la liberté de penser et de parler, mais il nous la faut aussi pour nos ennemis, et même pour les ennemis de la liberté.

En fait, si nous étudions les catalogues des sociétés religieuses, les livres qu’elles répandent peuvent se diviser en trois classes : les livres de polémique, les livres de dogme et les livres de morale. Les livres de polémique ne sont pas nombreux; ils ne sont que l’exercice du droit le plus naturel, quand ils ne contiennent pas d’injures pour l’adversaire qu’ils combattent, et, quand ils en contiennent, à qui nuisent-ils? Nous ne sommes plus aux temps où protestans et catholiques entreprenaient des croisades les uns contre les autres dans les rues d’une même ville. Aujourd’hui tout le monde se fait honneur d’être modéré; on feint de l’être quand on ne l’est pas : la vérité est qu’on l’est un peu trop, car le principe de la tolérance au XIXe siècle est moins encore l’amour de la liberté qu’un fonds regrettable d’indifférence. Les livres de dogme sont plus nombreux que