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ment un grand nombre de ces composés, qui sont les matériaux les plus élémentaires de tout organisme. Quand on voit de telles substances, sorties non du sein de la nature, mais des cornues du laboratoire, capables de féconder les germes aujourd’hui existans, n’est-il pas permis de croire qu’au moment où la vie a apparu sur le globe, elle a pu surgir du mélange des élémens primitifs?

La question des générations spontanées, pour être aperçue dans toute sa généralité, ne doit pas être limitée au temps présent. Pour être bien comprise, elle ne doit pas non plus être séparée de l’étude même de ce que nous appelons les germes, et sur ce point, il faut bien l’avouer, la science est encore réduite à la plus grande ignorance. Y a-t-il dans ces corpuscules d’où nous voyons sortir des êtres si variés une fixité de caractères telle qu’ils puissent devenir l’objet d’une classification rationnelle? L’espèce, avec toutes ses propriétés distinctives, est-elle déjà virtuellement contenue dans le germe avant qu’il ait reçu l’action fécondante? Peut-on même dire rigoureusement qu’il y ait des espèces parmi ces organismes microscopiques, dont la définition se réduit à un si petit nombre de caractères? Il peut convenir aux savans de se servir, en étudiant ces petits êtres, des mêmes catégories que lorsqu’il s’agit des grands animaux : leur objet est de jeter quelque ordre et quelque méthode dans leurs investigations; mais si les caractères de l’espèce sont si fuyans, si incertains déjà dans certaines classes assez élevées de la hiérarchie zoologique, quelle valeur est-il permis d’attacher à de semblables tentatives? Tout semble indiquer, quand on descend dans les rangs les plus humbles de la création, que la nature a créé seulement quelques types, autour desquels elle s’écarte librement et en tout sens. Les beaux travaux récens d’un naturaliste anglais, M. Carpenter, sur une classe d’animaux inférieurs qu’on nomme les foraminifères montrent que la notion ordinaire de l’espèce leur est inapplicable. Il n’a trouvé d’autres moyens de ranger cette vaste agrégation de formes si diverses que suivant leur degré de divergence, eu égard à certaines formes prises pour termes de comparaison, et il est allé jusqu’à se demander si ces types distincts qu’il s’est trouvé conduit à admettre ne dérivaient pas tous d’un prototype unique. M. Pasteur s’est demandé lui-même si les infusoires qui vivent sans oxygène libre ne pourraient pas être simplement un état particulier des infusoires qui se nourrissent de ce gaz. S’il a pu se poser une telle question et croire possibles de telles métamorphoses, que ne doit-on penser des germes en général! Il faut bien qu’il y ait une certaine plasticité dans ces corpuscules, puisque nous voyons les variétés végétales se féconder mutuellement. Des germes semblables peuvent donc être appelés à la vie sous des influences diverses, et donner naissance à des produits qui ne sont pas tous