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ment être garantie contre les germes extérieurs répandus dans l’atmosphère, et, comme elle ne renferme pas à l’intérieur de germes de vibrions, il est possible de l’empêcher de se putréfier. On n’a, par exemple, qu’à envelopper la viande d’un linge imbibé d’alcool et à la placer ensuite dans un vase fermé pour que l’évaporation de l’alcool ne puisse être complète. Cette viande toutefois restera-t-elle exactement ce qu’elle était au moment où on l’a détachée de l’animal? Non certes. Une sorte de vie toute physique et chimique y continuera, en mettra les divers élémens aux prises et les modifiera les uns par les autres. La viande se faisandera, si elle est en petite quantité, et se gangrènera, si elle en masse considérable. La gangrène, on le voit, diffère essentiellement de la putréfaction en ce qu’elle n’est point, comme cette dernière, provoquée par l’action physiologique des fermens organisés. C’est un des stages placés entre la vie normale et la corruption cadavérique. M. Pasteur compare ingénieusement un organe gangrené au fruit qui continue quelque temps à mûrir après avoir été détaché de l’arbre.

La vie, non plus que la mort, n’est donc quelque chose de simple, d’uni, d’indivisible, comme on le croit volontiers. Les anciens se figuraient que le phénomène de la mort s’accomplissait tout entier dans l’instant où la parque tranchait de ses ciseaux le fil d’une existence; mais la vie ne sort pas de l’organisme avec une telle promptitude, pas plus qu’elle n’y entre tout achevée et complète. Dans la vie comme dans la mort, il y a en quelque sorte des degrés, des nuances : le rotifère desséché, qui n’accomplit plus aucune fonction vitale, n’est pas mort cependant, puisqu’il suffit de le plonger dans l’eau pour qu’il reprenne sa mobilité et exécute ses étranges mouvemens rotatoires. Les germes atmosphériques sont-ils morts? sont-ils vivans? Dans le vaste ovaire terrestre où le vent les fait tourbillonner en tout sens, ils vont partout cherchant la vie, sans pouvoir toujours la trouver. La nature prodigue en condamne un nombre incalculable à la stérilité; mais que quelques-uns rencontrent n’importe où des substances qui puissent les nourrir, ils se mettent à vivre et à se multiplier. Pourquoi la force créatrice s’userait-elle dans des générations spontanées, lorsque tant de germes propres à la vie sont détruits chaque jour? Il n’y a guère lieu d’espérer que ce prodige s’accomplisse pour le seul amusement de l’homme; mais, si la nature trouve aujourd’hui assez de germes à féconder sans qu’il lui soit nécessaire de tirer des organismes de la matière inorganique, on ne peut douter cependant qu’elle possède virtuellement cette puissance et qu’elle l’ait exercée autrefois, car la vie a eu un commencement sur notre planète. La géologie nous montre que notre demeure actuelle a été longtemps sans habitans; tout être actuel sort d’un germe, mais d’où le premier germe est-il sorti? La