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et d’idées ne trouve-t-on pas dans ces mémoires qui paraissent à des intervalles si rapprochés et où l’on peut voir, après la sûreté des méthodes et l’élégance des procédés, la fermeté du style et jusqu’à ce bonheur de l’expression qui s’attache toujours spontanément aux pensées justes et profondes! M. Pasteur a eu la bonne fortune d’entrer dans un domaine presque vierge et de pouvoir approfondir les mystères les plus délicats de la vie en empruntant les secours de sa science favorite. Que de nouvelles et brillantes perspectives ouvertes à toutes les sciences, à la chimie, à la physiologie, à la médecine, à l’industrie elle-même! Les suggestions se pressent comme d’elles-mêmes sous la plume de M. Pasteur, sans qu’il ait le loisir de s’y abandonner et de se laisser entraîner trop loin des sujets immédiats de ses travaux. Voit-il la levure alcoolique et le ferment lactique se propager dans un milieu entièrement formé de sucre et d’élémens minéraux, il compare ce phénomène au mode de développement de la cellule dans les végétaux; là aussi la sève fournit aux molécules qui s’organisent le sucre, les sels ammoniacaux et les sels alcalins. La vie végétale est donc une sorte de fermentation lente et continue. Ailleurs on le voit frappé de l’analogie qui existe entre les germes et les graines de nos plantes. Comme ces dernières sont toujours prêtes à être fécondées pour donner naissance aux végétaux, les germes atmosphériques sont préparés à vivre aussitôt qu’ils peuvent rencontrer le milieu qui leur est favorable ou nécessaire. Le ferment alcoolique, la levure de bière, a, si l’on me permet ce mot, une telle soif de vie, qu’il se nourrit au besoin de ses propres globules pour accomplir sa fonction physiologique, qui consiste à engendrer de l’alcool, de l’acide carbonique, de la glycérine et de l’acide succinique. Quand on lui offre en outre du sucre et quelques matières azotées et minérales en minime quantité, sa vie s’exalte rapidement, et la levure, au lieu de dévorer ses enfans comme Saturne, se multiplie avec une extrême rapidité.

A propos de la fermentation acétique, on a vu comment la nature transporte l’oxygène sur les matières organiques par l’intermédiaire des mycodermes. M. Pasteur compare ce phénomène à celui de la respiration chez les êtres vivans : les globules du sang ne sont point à la vérité des êtres organisés ; mais ce sont des cellules vivantes qui jouent le rôle des mycodermes dans notre économie : elles s’emparent de l’oxygène dans les poumons et vont ensuite le transporter, comme des serviteurs dociles, dans toutes les parties du corps pour y brider à des degrés divers tous les principes que celui-ci renferme. Le phénomène de la nutrition des vibrions, qui se passent d’oxygène libre, a sans doute aussi son équivalent dans l’économie animale et dans bien des actes normaux ou anormaux de notre organisme. S’il y a des espèces animales qui peuvent se développer