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amassent bientôt en pellicule de plus en plus épaisse; mais dès que cette couche vivante est formée, les germes des vibrions sont fécondés à leur tour, et ces animaux peuvent pulluler à leur aise dans une liqueur qui ne renferme plus d’oxygène. Le vase devient de la sorte un laboratoire à deux étages : dans l’étage inférieur, les vibrions travaillent à la fermentation, c’est-à-dire qu’ils démolissent l’édifice compliqué des matières azotées et convertissent la substance organique en d’autres substances d’une composition plus simple; à l’étage supérieur, les bactérium ou les mucédinées brûlent ces produits nouveaux avec l’oxygène qu’ils tirent incessamment de l’atmosphère et les réduisent à l’état des plus simples combinaisons binaires, eau, ammoniaque, acide carbonique.

Après ce long cycle d’observations, nous touchons enfin à la putréfaction des matières solides animales, et nous nous trouvons ainsi, après de longs détours, ramenés à l’homme et aux décompositions que le cadavre subit après la mort. Le canal intestinal de l’homme, comme celui de tous les animaux supérieurs, est toujours, durant la vie, rempli non-seulement de germes de vibrions, mais encore de vibrions adultes déjà développés. Leewenhoeck les avait déjà aperçus chez l’homme. Ils demeurent inoffensifs tant que le mouvement de la vie fait obstacle à leur développement; mais, la mort arrivée, leur rôle commence. Privés d’air, baignés de liquides nourrissans, ils détruisent, en allant du dedans au dehors, toute la substance qui les entoure. Pendant ce temps, les petits infusoires, dont l’air a attaché les germes dans les anfractuosités de l’épiderme, se développent également et commencent leur travail en allant du dehors au dedans. Comme des mineurs ennemis qui se cherchent sous les remparts d’une place de guerre, les légions remuantes des infusoires finissent par se rencontrer : les vibrions expirent aussitôt qu’ils arrivent près de leurs adversaires et au contact de l’atmosphère; les infusoires eux-mêmes meurent quand ils ont dévoré tous les vibrions. L’œuvre de la destruction est alors achevée, et tout retombe dans l’immobilité inorganique.


II.

J’ai fait connaître, aussi complètement qu’il est possible de le faire sans entrer dans des détails trop techniques, les résultats principaux des recherches de M. Pasteur. Les travaux de l’éminent chimiste ne sont pourtant pas terminés : ils se succèdent si rapidement qu’il n’a pas encore eu le loisir de réunir toutes ses observations en un seul corps de doctrine et de déduire toutes les conséquences de ses nouvelles théories; mais en si peu de temps que de beaux résultats n’a-t-il pas obtenus! Quelle riche moisson de faits