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pure et fraîche après trois ans d’attente: du lait avait également conservé la saveur du lait ordinaire et n’était point caillé. Dans ces expériences, les infusions avaient été portées à l’ébullition au début, afin de détruire les germes qui auraient pu se trouver à l’intérieur: mais M. Pasteur, pour couper court à toutes les objections, ne s’est pas contenté d’étudier des liqueurs privées de germes par l’ébullition : il a réussi à enfermer du sang naturel, tel qu’il sort des artères, et de l’urine fraîche, dans des vases clos renfermant de l’air pur et privé de tous germes. Dans ces circonstances encore, il a pu constater la stabilité des matières organiques en présence de l’oxygène : ces substances ne se sont point putréfiées, et l’atmosphère des vases clos n’a perdu quelques parties de son oxygène qu’avec une excessive lenteur. Combien au contraire le travail de la décomposition organique avance avec promptitude quand les infusions peuvent librement recevoir les germes, se couvrir de mucédinées, de bactéries, de nomades, se remplir de vibrions remuans ! Ces petits êtres ont pour mission de ramener à l’atmosphère et au règne minéral tout ce qui a cessé de vivre. A la suite de ces expériences, d’un intérêt si saisissant, M. Pasteur n’avait-il pas le droit de dire : « Les principes immédiats des corps vivans seraient en quelque sorte indestructibles, si l’on supprimait de l’ensemble des êtres que Dieu a créés les plus petits, les plus inutiles en apparence? »

La fermentation butyrique et la fermentation tartrique fournissent les exemples les plus simples de décompositions opérées par des animalcules vivant sans gaz oxygène libre; mais ces phénomènes ne diffèrent en rien de ce que l’on nomme la putréfaction des matières animales. Les vibrions sont les destructeurs par excellence de toute substance putride. Ehrenberg, le savant micrographe prussien, qui a passé toute sa vie dans le monde dédaigné des infusoires, a décrit jusqu’à six espèces de vibrions : vibrio lincola, vibrio tremulans, vibrio subtilis, vibrio rugula, vibrio prolifer, vibrio bacillus. Dans la putréfaction, comme dans la fermentation butyrique, le travail des vibrions est préparé par les petits infusoires. Pendant vingt-quatre heures environ, aucun phénomène ne se déclare dans les infusions de matière animale, puis un léger trouble se manifeste. Il est causé par les petits animalcules, monas corpusculum, bacterium termo, qui voyagent en lignes flexueuses et dans toutes les directions, en quête de tout l’oxygène dissous dans la liqueur. Si l’infusion est gardée à l’abri de l’air, les petits infusoires, après avoir dévoré tout l’oxygène libre, ne peuvent plus vivre, et leurs cadavres tombent au fond du vase; mais si la liqueur est au contact de l’air, après avoir dépouillé cette dernière, ils n’ont qu’à remonter à la surface, et là ils trouvent une source intarissable de gaz. Ils s’y