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thode et dans l’argumentation de Spallanzani, pour que récemment on ait vu reparaître de nombreux et chauds partisans de la génération spontanée. M. Pasteur lui-même, pour rendre hommage à la vérité bien plus assurément que pour rehausser l’éclat de ses propres travaux, confesse que Spallanzani ne s’était assuré que les apparences du triomphe, et que « Needham ne pouvait, en toute justice, abandonner sa doctrine en présence des travaux de son adversaire. »

Il est inutile d’énumérer ici toutes les expériences contradictoires qui, depuis celles de Spallanzani, ont obscurci de plus en plus la question des générations spontanées. Tous ceux qui cherchaient à résoudre le problème ne faisaient qu’en rendre la solution plus difficile, et cette question, si longtemps et si inutilement controversée, était, bien que l’Académie des Sciences de Paris l’eût mise au nombre de ses sujets de prix, tombée dans un tel discrédit que, peu de temps avant sa mort, M. Biot, voyant M. Pasteur s’engager dans ce dédale qu’il croyait sans issue, le suppliait de ne pas s’y égarer trop longtemps. M. Dumas lui-même, bien plus porté par le tour de l’esprit que M. Biot aux nouveautés hardies, disait aussi à M. Pasteur : « Je ne conseillerai à personne de rester trop longtemps dans ce sujet. » Bien en a pris au savant et ingénieux professeur de ne pas suivre ces prudens conseils et de n’écouter que la curiosité qui le poussait en avant. Il est bon quelquefois que des mains téméraires touchent aux arbres dont le fruit est défendu. Le haut patronage scientifique a accompli sa mission quand il a protégé les personnes, quand il leur a assuré les instrumens de travail et quelques loisirs : il ne doit jamais chercher à asservir ni même à guider l’esprit, cette force libre qui ne relève que d’elle-même.

La méthode adoptée par M. Pasteur pour découvrir les germes tenus en suspension dans l’atmosphère est des plus simples : elle consiste à faire passer un courant d’air sur du coton-poudre, substance soluble dans un mélange d’alcool et d’éther. Les fibres ténues et enchevêtrées du coton arrêtent toutes les particules solides; elles filtrent l’air en quelque sorte. Toutes les poussières ténues se retrouvent dans la solution du coton-poudre et retombent lentement au fond de la liqueur. M. Pasteur les y recueille et peut à son gré les placer sous le porte-objet du microscope, pour les soumettre à l’étude. On s’assure, en opérant de cette manière, que l’air charrie toujours, avec des granules d’amidon très facilement reconnaissables, et dont la présence s’explique par l’abondance des céréales cultivées, des corpuscules qui ressemblent de tout point aux germes des organismes les plus inférieurs, et qui ont d’ailleurs des volumes et des structures très variés. Les germes ainsi recueillis sont féconds; on peut les semer dans des infusions où l’on a, par