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que, ni la manie d’écrire, ni la frivolité des sujets, ni la vaine ambition du style, ni le retour indiscret aux locutions surannées, ni la mollesse affectée du débit, ni cet art nouveau de payer des auditeurs et de s’assurer une approbation bruyante : tableau historique que d’autres, après Perse, ont essayé de retracer, mais qui n’est nulle part aussi complet et précis, et où le grave jeune homme, plus sage en cela que Quintilien, n’a point pactisé avec ces jeux d’esprit de la vanité, montrant le plus ferme jugement et une remarquable clairvoyance. La haute philosophie qu’il professait, son respect pour les lettres et les bienséances morales, la dignité de sa vie, l’ont rendu plus sensible que d’autres aux travers pernicieux qui commençaient à se montrer alors, dont peu d’esprits voyaient les inconvéniens, et qui devaient aboutir à ces incroyables abus de la rhétorique où périt et disparut la littérature ancienne, où elle s’évanouit pour ainsi dire dans l’inanité de l’ostentation.

Il nous a paru que les satires de Perse, si peu lues et d’un accès si difficile, pourraient obtenir du lecteur un moment d’attention, si nous prenions la peine d’en dégager l’esprit et de dérouler quelques-unes de ses pensées enveloppées dans ces vers trop compactes. Entreprise un peu téméraire, nous le savons, où l’on risque de parler trop longuement d’un poète concis et de ne pas dire assez d’un poète obscur, où il faut oser braver la monotonie d’un sujet toujours sévère qui repousse tout agrément comme une inconvenance et une infidélité; mais nous avons pensé que les tristesses d’une grande âme romaine méritaient d’être expliquées, et si en général on s’intéresse peu aujourd’hui à tout auteur qui paraît au premier abord avoir plus de doctrine que de passion, il ne peut être indifférent à personne de connaître les sentimens des grands personnages qui ont formé notre poète et lui ont communiqué quelque chose de leur vertu héroïque. Ces vers, aujourd’hui refroidis, ont eu de la vie et de la flamme, ces maximes ont été des armes. La philosophie stoïque, déposée par un maître dans le cœur ingénu d’un enfant poète, s’en est échappée plus tard en traits ardens, admirés par les Cornutus, les Thraséas, les Helvidius, les Arria, et par toute une vaillante famille, plus tard proscrite, qui, dans les circonstances les plus tragiques, a pu répéter quelques-uns de ces vers comme le symbole de sa foi ; car n’oublions pas que Perse a été le nourrisson d’une forte race d’esprits, le jeune prodige de la famille, l’interprète applaudi de ses mépris et de ses haines, le poète chéri d’un parti politique, et, s’il était permis d’employer un mot déplaisant quand il s’agit d’une société si distinguée et si honnête, le poète prôné d’une coterie.

Il importe peut-être de donner un souvenir à Perse, parce qu’il