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personnage, qu’il les a sans doute approuvés, et qu’ils ont peut-être remué ce grand cœur.

On risquerait de ne pas bien comprendre le caractère de Perse et de ses écrits, si nous négligions de parler des femmes qui l’ont entouré de leur sollicitude, à laquelle le poète répondait, dit la notice, par une tendresse exemplaire. On a vanté l’amour qu’il avait pour sa mère, pour sa sœur, pour sa tante. La douceur de ses mœurs d’ailleurs et sa modestie virginale donnent à penser que son âme a dû beaucoup à la société de ces nobles femmes, d’autant plus que la chétive santé de ce bel adolescent de grande espérance rendait plus empressées autour de lui toutes ces mains diversement maternelles; mais là encore, dans cette élégante et plus douce compagnie de matrones. Perse retrouvait les souvenirs, les traditions, les vertus du stoïcisme. Il a pu connaître dans son enfance une de ses parentes qui avait donné le plus étonnant exemple de ce courage viril que les Romains estimaient avant tout dans les femmes. Elle était en effet de la famille, cette Arria, qui, pour encourager son mari Pætus à se soustraire au supplice par une mort courageuse, se frappa d’abord elle-même, et mourante, tirant de son sein le poignard tout sanglant, le présenta à son mari avec ces paroles immortelles : « Tiens, mon cher Pætus, cela ne fait pas de mal. » Ce trait d’héroïsme stoïque, cité, dit Pline, dans tout l’univers, célébré par Perse encore enfant dans ses premiers vers, aujourd’hui perdus, était le plus beau titre de gloire de cette famille, et devait être pour toutes les femmes de cette maison patricienne comme un modèle proposé à leur émulation. Nous pouvons juger de leurs sentimens par ceux d’une de ces matrones, cousine de Perse, de la seconde Arria, digne fille de la première, qui, malgré les prières de son mari Thraséas, voulut mourir avec lui, et, comme lui, se fit ouvrir les veines. N’est-il pas permis de supposer que ce sont les femmes de la famille de Perse qui, comme nous l’avons dit, se pressent autour de Thraséas condamné et font cortège à son infortune? Il ne faut pas oublier qu’à cette époque les matrones se faisaient quelquefois instruire dans le stoïcisme, que dans ces temps de périls la plus grande gloire pour elles était de ressembler aux hommes, de braver par leurs discours et leur conduite la corruption et la tyrannie du jour. Depuis que sous le règne de Claude, par un affranchissement subit, par une horrible nouveauté pour des Romains, les femmes, qui sous la république vivaient dans l’obscurité et la dépendance, s’élevèrent tout à coup, les unes par l’audace et le génie du crime, comme Agrippine, les autres, comme Messaline, par la fureur inouïe de leurs déportemens; quand elles devinrent une puissance, jouèrent un rôle politique, se mêlèrent aux intrigues du palais, et, dans la première