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son éducation et sa vie, nous allons le voir maintenant au milieu de sa famille, dans cette société de sages ou de leurs disciples dont il fut l’écho, et l’on pourra saisir les opinions et les sentimens d’une illustre maison patricienne sous le règne de Néron, en se faisant une idée de ce qu’on nous permettra d’appeler un salon stoïcien.


I.

Nous n’avons sur Perse qu’une courte notice attribuée à Suétone, mais qui paraît être l’œuvre d’un ancien commentateur du poète. Ce sont de simples indications sur sa vie, sa famille, ses maîtres, ses amis. Toutefois, en suivant ces légers vestiges, en recueillant çà et là tout ce qu’on sait sur les personnages connus qui l’ont entouré, on peut non-seulement se représenter la société dans laquelle il a vécu, mais encore, par des chemins détournés et comme par des portes dérobées, pénétrer dans l’intimité du poète et forcer par plus d’un côté le mystère qui recouvre sa vie et ses ouvrages. Sa vie embrasse les trois dernières années de Tibère, les règnes de Caligula, de Claude et les huit premières années du règne de Néron, c’est-à-dire une des plus tristes époques de l’empire, où la tyrannie cruelle et fantasque des princes et de leurs affranchis ministres et l’horrible désordre des mœurs provoquaient le plus violemment les regrets républicains dans les grandes familles et les protestations silencieuses ou hardies des philosophes. Né à Volaterre en Etrurie, ayant perdu de bonne heure son père, chevalier romain, il fut élevé avec beaucoup de sollicitude par sa mère, Fulvia Sisennia, matrone distinguée, qui, pour achever l’éducation de son fils, l’amena à Rome et le remit à l’âge de douze ans entre les mains d’un célèbre grammairien et professeur de belles-lettres, Virginius Flavus, dont Tacite nous apprend qu’il fut exilé plus tard pour avoir trop excité par son éloquence l’enthousiasme de la jeunesse. Nous verrons que les maîtres, les amis, les parens de Perse seront presque tous tôt ou tard condamnés à l’exil ou à la mort pour la fierté de leurs sentimens et de leur langage. Tous ceux qui l’entourent sont de futurs proscrits.

A seize ans, à l’âge où les jeunes Romains étaient émancipés et ne relevaient plus que d’eux-mêmes, le sage et timide adolescent vint se placer sous la règle et la discipline d’un philosophe renommé, Cornutus, dont il devint le disciple et l’ami, et qu’il ne quitta plus. On sait que, selon un usage antique, les jeunes patriciens épris des nobles études s’attachaient à un homme distingué dont la parole et la conduite pouvaient leur servir d’exemple. Sous la république, quand l’éloquence était pour tous la principale étude, le jeune Romain dont le talent donnait des espérances était confié