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mêlée à des couches de fumier, devaient contenir beaucoup d’élémens fertilisans. Aussi s’est-on mis à répandre la terre qui en provenait (terpaarde) sur les prairies, où elle a produit les plus magnifiques résultats. Non-seulement la quantité de l’herbe a augmenté, mais la qualité s’est notablement améliorée, parce que de meilleures plantes, le trèfle blanc par exemple, ont couvert le sol.

La terre des terpen se vend sur place 1 florin le mètre cube, et il en faut 90 mètres pour fumer convenablement un hectare. Il y a de ces terpen qui ont produit ainsi de 40 à 50,000 francs, et plus d’un cultivateur s’est trouvé enrichi sans qu’il eût prévu que ces grandes taupinières qui gâtaient la ligne régulière de ses prairies renfermaient des trésors. De l’emploi du terpaarde est sortie toute une révolution agricole. Les fermiers du sud achètent pour leurs prairies aux fermiers du nord, qui n’en ont que faire, la terre des terpen, et ils leur vendent en échange du fumier excellent pour les champs labourés. La facilité des communications favorise ces profitables échanges, qui s’opèrent presque tous en bateau, car la partie basse du pays est semblable à une grande Venise rurale, et la plupart des fermes sont reliées aux principaux canaux par de larges fossés navigables. On voit par cet exemple comment une agriculture en progrès ne recule devant aucun effort pour augmenter la production. Tandis qu’ailleurs on va jusque sous l’équateur chercher les déjections d’oiseaux marins accumulées depuis des myriades d’années, ici on utilise les lieux de refuge construits jadis par les premières tribus germaniques ou peut-être même par des peuplades des temps antéhistoriques. Seulement le cultivateur doit songer que les terpen pas plus que le guano n’offrent des richesses inépuisables, et qu’il faut se mettre en mesure de se passer de ces précieux secours quand le moment sera venu.

Les animaux domestiques de la Frise sont renommés. Les vaches valent celles de la Hollande. Cependant on commence à introduire les taureaux durham pour obtenir une race croisée qui, prétend-on, sans donner autant de lait, produit plus de crème[1] et en même temps s’engraisse plus facilement. A l’exposition agricole ouverte cette année même sous les auspices de la société provinciale d’agriculture de la Frise, j’ai pu admirer de magnifiques bêtes durham qu’un agronome actif et intelligent, M. Van Andringa de Kempenaer, était allé choisir lui-même parmi les plus nobles races de l’Angleterre. Les chevaux frisons à la robe noire, à la tête petite et animée, au long cou de cygne, sont d’excellons animaux de trait : malgré leurs pieds trop plats, ils trottent parfaitement, et quelques-uns

  1. A l’école centrale d’agriculture de Gembloux en Belgique, on a obtenu la même quantité de crème des vaches hollandaises, donnant en moyenne 20 litres, et des vaches durham, qui n’en donnaient que 16.