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bages est au contraire la plus légère, la plus tourbeuse, ou tout au moins la plus humide : c’est celle-là que nous visiterons d’abord.

Le voyageur qui, entré dans les Pays-Bas par Rotterdam, s’avance vers le nord jusqu’à la pointe extrême du Helder, ne traverse qu’une succession ininterrompue de prairies basses toutes remplies d’un magnifique bétail, chevaux, moutons, bœufs et porcs confondus. On connaît ce paysage : les tableaux des maîtres hollandais l’ont assez souvent reproduit, et tous les écrivains qui ont voulu faire connaître la Néerlande ont commencé par le décrire. Le but de notre voyage agricole nous oblige à considérer les choses de plus près. A cet effet, nous prierons le lecteur de vouloir bien traverser l’Y en face d’Amsterdam et de nous suivre dans la Nord-Hollande, cette presqu’île basse et presque noyée qui s’avance entre la Mer du Nord à l’ouest et le Zuyderzée à l’est, et que les vagues auraient déjà divisée en plusieurs îlots sans les ouvrages de défense qu’on leur oppose. Passons sans nous y arrêter à côté de Zaandam, le séjour de Pierre le Grand, et de Broek, qu’on cite comme le modèle de la propreté hollandaise, et descendons dans le Beemster, où nous pourrons voir comment se pratique l’économie pastorale dans toute cette partie de la contrée. Le Beemster est un ancien lac desséché entre 1608 et 1612, et dont le fond est à trois mètres et demi au-dessous du niveau d’Amsterdam. Il résulte de cette situation que l’écoulement naturel des eaux de pluie est impossible, et que pour s’en débarrasser il faut avoir recours à des moulins à vent qui les soulèvent soit par une vis d’Archimède, soit par une pompe, pour les déverser ensuite dans des canaux extérieurs en communication avec la mer. Le Beemster mesure 7,000 hectares; il forme ce que l’on appelle un droogmakery (terrain artificiellement desséché), et il est administré, comme tous les polders, par un comité que les propriétaires nomment, et qui fait face aux dépenses au moyen de taxes réparties par hectare. La superficie est divisée en carrés à peu près d’égale grandeur par de larges fossés qui se coupent à angle droit, et le long desquels courent les routes empierrées et les chemins de terre également bien entretenus. Tous les transports des fermes se font en bateau. C’est en bateau qu’on emporte le fumier, qu’on rentre le foin, et que soir et matin on ramène le lait qu’on trait dans les prairies. On ne se sert des chemins que pour conduire à la ville prochaine les produits du bétail, le beurre et le fromage.

On compte dans le Beemster 240 fermes qui ont de 20 à 35 hectares chacune; une ferme de 30 hectares entretient 20 vaches à lait, de 12 à 14 élèves, de 30 à 40 moutons, de 8 à 9 porcs et 1 cheval; dans les meilleures parties, on ajoute encore un certain nombre de bêtes à l’engrais. On tient peu de volaille, sauf des canards, des oies et des cygnes. Il y a quelques années, l’ancien lac nourrissait