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sées servant de fourneaux, une hache à fendre le bois, même un grelot appartenant sans doute au collier d’un animal. Tout cela devait se trouver exceptionnellement dans l’ala. En supposant même que cette aile fût une salle à manger, ce n’est pas là qu’on met les marmites. Ajoutez à ce désordre celui qu’y apportèrent l’éruption d’abord et après l’éruption la rapacité des hommes, car la maison fut évidemment fouillée bien avant Charles III. Dans une des chambrettes entourant l’atrium, on ne trouva rien que des pelles, des pioches, des crocs, et d’autres instrumens pareils. Les parois étaient enfoncées et la place nette, preuve certaine que des paysans des environs, qui ne connaissaient pas les lieux ni les portes, étaient entrés là de tous côtés, comme ils avaient pu, par les murs. On peut suivre la trace de ces voleurs jusque dans une boutique à gauche attenant à la maison : ils la dévalisèrent de fond en comble, en ne laissant aux buffets que la trace des rayons. C’étaient peut-être des antiquaires. Qu’on ne s’étonne donc pas si l’atrium paraît pauvre, et donne au premier regard une piteuse idée de Proculus. Cette impression disparaît après un court examen, surtout à l’aspect des fraîches et vives couleurs qui charment les yeux. Le décorateur a partagé les murs en panneaux rouges séparés par des pilastres noirs et appuyés sur un soubassement imitant le marbre. Deux petites peintures près de l’entrée étaient encore en place et très visibles quand je les aperçus pour la première fois : l’une représente un vieux Silène et un Bacchus enfant ; l’autre, beaucoup plus curieuse, offre sur fond jaune une tête singulière, cornue et barbue, dont les cornes sont formées de pattes de crabe, et dont la longue barbe s’enroule symétriquement, à droite et à gauche, en spirales régulières, en méandres ondoyans qui figurent des herbes marines ou imitent les vagues de la mer. Tout porte à croire que c’est la tête du dieu Océan.

Parmi les objets découverts dans l’atrium, on en a retrouvé si haut au-dessus du sol, qu’ils devaient être tombés de l’étage supérieur, notamment deux squelettes brisés dont les os s’éparpillaient dans la pierre ponce. Une pauvre poule qui voletait pendant la catastrophe a péri en même temps : on a aussi retrouvé ses os. Enfin une femme avait réuni tous ses trésors, son monde féminin, comme on disait à Rome : bijoux, ornemens en or, chapelet d’amulettes, et s’était attardée sans doute à les recueillir. Quand elle prit la fuite, il n’était plus temps, elle tomba foudroyée. On a retrouvé son squelette à l’entrée du tablinum, et à côté d’elle étaient dispersés les joyaux qui lui avaient coûté la vie. La femme est toujours la même dans toutes les situations et dans tous les siècles. Lors de l’épouvantable éruption de 1764, les religieuses de Torre-del-Greco se laissèrent presque brûler vives par les torrens de lave qui enve-