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quatre deniers qu’il lui devait par une fente du claustrum, dont les jointures s’étaient écartées. Ce claustrum devait être une cloison pareille à la porte du teinturier pompéien.

La maison s’ouvre à gauche de la boutique, deux piliers en marquent l’entrée; ils sont couverts de placards peints, suivant l’usage, en lettres rouges et effilées sur la pierre ou sur le stuc. On lit sur le pilier de gauche : Capellam d. v. i. d. o. v. f., en toutes letres : Capellam duum virum juri dicundo oro vos faciatis, en français : « je prie que vous choisissiez Capella pour édile rendant la justice. » Sur le pilier de droite : Popidiuni œd. Proculus rogat (Popidium œdilem Proculus rogat), « Proculus invoque Popidius pour édile. » Je me demande si ces deux sortes de recommandations électorales, symétriquement placées à droite et à gauche de l’entrée, n’auraient pas eu pour objet d’indiquer aux passans, pour les désigner à leurs suffrages, les candidats au duumvirat et à l’édilité proposés par le maître de la maison. Si ma conjecture est juste, nous allons donc entrer chez le Pompéien Proculus.

C’est un nom qui ne m’est point inconnu : je l’ai revu sur un autre mur, dans une ruelle voisine, ou du moins peu éloignée, et justement à propos de manœuvres électorales. En ceci comme en tout, les Romains nous ont devancés, sinon dépassés. Ils furent nos dignes pères et nos maîtres. Voici l’inscription qui le prouve (encore une découverte toute nouvelle) : Sabinum œdilem Procule fac et ille te faciet. « O Proculus, nomme Sabinus édile, et il te nommera. » Mais Proculus ne céda point à ces suggestions et maintint la candidature de Popidius. Voilà tout ce que je sais de lui : rien n’empêche donc de présumer que sa maison fut celle d’un galant homme. Entrons-y, mais il ne faut pas s’attendre à trop de magnificence. Les romanciers et même les archéologues qui s’extasient sur les splendeurs de Pompéi se trompent et nous trompent. Ce n’était qu’une petite ville, avec de petits temples, de petites rues et de petites maisons. Celle de Proculus, qui compte parmi les belles, tiendrait tout entière, avec ses deux cours et la vingtaine de pièces qui composent son rez-de-chaussée, peut-être même avec tout son étage supérieur y compris la toiture, dans une seule grande salle de nos palais.

Si les lecteurs encore étrangers à ce genre d’études veulent se faire une idée d’une maison romaine, qu’ils se figurent une disposition intérieure pareille à celle du Palais-Royal de Paris, c’est-à-dire une cour et un jardin, la cour devant et le jardin derrière, l’un et l’autre entourés de galeries. Qu’on diminue maintenant toutes les proportions en abaissant les étages, en rapprochant les murs, en changeant le style, en substituant une colonnade aux arcades, en perçant de petites chambres à la place des boutiques, enfin qu’on