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née sans qu’un ouvrage important, publié sur les deux côtés de la Manche et du Rhin, ne fût venu enrichir la bibliothèque pompéienne. Est-il besoin de rappeler les travaux de Zahn, de Gell, de Donaldson, de Gandy, de Breton, et, en première ligne, ceux de deux érudits français, consultés et trop souvent dévalisés par des compilateurs de tout pays, — Mazois et Raoul-Rochette ? — À Naples même, malgré l’inexplicable incurie de la dynastie bourbonienne, toute une école d’antiquaires, Mazzocchi en tête, après lui Avellino, Jorio, Garrucci, les Niccolini, les Minervini, Quaranta, Fiorelli, passaient toute leur vie sur la brèche à déchiffrer les rares peintures et à épeler les inscriptions plus rares encore que les fouilles conduites à l’aventure découvraient quelquefois par hasard. Les fouilles sont aujourd’hui mieux dirigées, grâce à l’initiative d’une administration plus intelligente et plus active. Pourquoi donc le monde savant paraît-il ne plus s’inquiéter de la ville antique ? En Italie même, on ne compte guère plus que trois braves sur le terrain : M. Felice Niccolini, qui continue sur Pompéi d’importantes études illustrées par la chromolithographie ; M. Giulio Minervini, correspondant de l’Institut, l’un des plus érudits et le plus modeste des antiquaires, qui poursuit seul le Bulletin archéologique napolitain, maintenant italien ; enfin M. Giuseppe Fiorelli, devenu l’inspecteur ou, pour parler plus exactement, le dictateur des fouilles. Persécuté autrefois sous les Bourbons, comme la plupart des hommes distingués de Naples, il avait compilé en prison un immense ouvrage, un recueil de documens inédits racontant jour par jour l’histoire de Pompéi depuis l’année où elle fut découverte. Son manuscrit achevé, la police se hâta de le saisir, craignant peut-être d’y trouver des révélations contre le gouvernement. M. Fiorelli eut le courage de recommencer cette œuvre de bénédictin, qui remplit deux énormes volumes in-octavo; le premier a paru en 1861[1], le second va paraître. On a maintenant le journal exact et complet de ce grand voyage de découvertes, et l’on peut suivre pas à pas, dans une lente excursion souterraine, les explorateurs qui, pierre à pierre, ont retrouvé la cité des morts.

Ceux qui croient que le Vésuve a détruit Pompéi se trompent gravement : le Vésuve au contraire l’a conservée. En la couvrant de pierre ponce et de cendre fine aspergée d’eau, durcie en croûte légère, comme pour garder l’empreinte des objets sur lesquels cette cendre était pressée, en accumulant devant les peintures le lapillo qui en préservait la fraîcheur, le volcan a protégé la ville engloutie contre les injures du temps et les violences des hommes. On peut affirmer que de ces mille constructions fragiles, se dégradant à l’air

  1. Pompeianarum Antiquitatum historia, etc.