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qui auraient vers cette époque de l’année des nuits pures et une atmosphère sereine d’observer attentivement les étoiles filantes. En même temps on recherchait les traces de phénomènes analogues qui auraient été observés dans les temps passés. M. Chasles retrouvait dans les anciennes chroniques depuis l’an 538 de notre ère jusqu’en 1233 le souvenir de quatre-vingt-neuf apparitions remarquables. M. Edouard Biot compulsait les interminables archives de l’empire chinois et y relevait un grand nombre d’observations du même genre. Il résultait de ces documens que le mois de novembre avait, depuis plusieurs siècles, le privilège de fournir les apparitions les plus abondantes.

Pour que la théorie des étoiles filantes pût faire de nouveaux progrès, il fallait qu’un observateur eût la patience de suivre ces météores pendant toutes les nuits où l’état du ciel permettait de les apercevoir et qu’il continuât cette étude pendant plusieurs années. M. Coulvier-Gravier entreprit ce travail fastidieux[1]. A partir de 1841, il tint un journal quotidien où, d’après les conseils d’Arago, il inscrivait le nombre des météores observés chaque nuit et la direction qu’ils avaient suivie dans le ciel. Il put alors reconnaître que le nombre s’en accroît d’heure en heure depuis le soir jusqu’au matin. En moyenne, il y en a environ dix par heure ; mais, de sept heures du soir à minuit, il n’en paraît que sept par heure, tandis qu’il en paraît quatorze de minuit à sept heures du matin. Ces nombres varient eux-mêmes suivant les saisons. La recrudescence que le phénomène manifestait autrefois dans le mois de novembre semble avoir disparu. Par compensation, les nuits des 9, 10 et 11 août voient chaque année se produire des apparitions très abondantes qui donnent en moyenne soixante étoiles filantes par heure. C’est donc à cette époque que les hommes curieux d’étudier de près ce phénomène bizarre doivent contempler le ciel. Enfin, d’une année à l’autre, ces moyennes varient; tantôt elles s’accroissent, tantôt elles diminuent, mais avec une certaine régularité qui prouve une fois de plus que la nature procède par degrés dans les phénomènes les plus irréguliers en apparence. Il est permis de croire que, s’il devait se produire maintenant encore des apparitions extraordinaires comme celles qui furent vues en Amérique pendant les années 1799 et 1833, les astronomes pourraient en être prévenus plusieurs mois et peut-être plusieurs années d’avance par l’accroissement graduel des nombres moyens que l’on observerait chaque nuit.

Il est vraiment singulier que l’on ait su démêler des lois immua-

  1. Voyez, sur les premières observations de M. Coulvier-Gravier, une étude de M. Littré dans la Revue du 15 avril 1852.