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phase pour prédire le temps. Le problème n’est pas si simple. Les phases se suivent, ne se ressemblent pas, et réagissent les unes sur les autres.» Telle est en gros la méthode appliquée par M. Mathieu (de la Drôme). Il en résulterait que certaines phases sont pluvieuses et que d’autres sont sèches. Pour les distinguer les unes des autres, M. Mathieu a compulsé les observations météorologiques de l’observatoire de Genève, qui donnent jour par jour, depuis soixante-six ans, la quantité d’eau tombée. En prenant la moyenne des phases qui avaient à peu près commencé à la même heure, il est conduit à des axiomes du genre de ceux-ci : pendant les mois de septembre, octobre, novembre et décembre, la nouvelle lune, qui arrive entre huit heures et neuf heures et demie du matin, donne plus d’eau que celle qui arrive entre sept et huit heures; ou bien encore, en juin, juillet et août, le premier quartier de la lune a une tendance moyenne à la pluie, s’il arrive entre sept heures et sept heures et demie du matin; il est sec au contraire, s’il arrive de sept heures et demie à huit heures. On peut donc prédire la pluie longtemps à l’avance avec autant de précision que l’on prédit les phases de la lune. L’auteur va plus loin : il se croit en état de prédire même la quantité de pluie qui tombera au moment désigné.

Cette théorie de la pluie et du beau temps avait peut-être quelque chose de séduisant par sa simplicité, et les prédictions énoncées par M. Mathieu (de la Drôme) plusieurs mois à l’avance eurent tout le retentissement que pouvaient leur donner les divers organes de la presse. Elles furent même adressées à l’Académie des Sciences sous un pli cacheté, qui, suivant les usages de ce corps savant, ne devait être ouvert que sur la demande de l’auteur. L’Académie refusa le dépôt, sachant la nature du contenu. Le public s’est mépris en général sur les motifs qui dictèrent ce refus. On ignore assez habituellement que la science ne consiste pas seulement dans ces découvertes positives qui ajoutent quelque chose à la somme de nos connaissances, et qu’elle s’enrichit aussi de découvertes négatives en quelque sorte. Les savans sont parvenus à démontrer que certains problèmes sont insolubles, comme par exemple, à ne prendre que les plus fameux, le mouvement perpétuel et la quadrature du cercle. S’il est vrai que la prédiction du temps à longue échéance doit être rangée dans cette catégorie, l’Académie des Sciences n’agit-elle pas sagement en détournant les esprits sérieux d’un ordre de recherches qui ne peut donner aucun résultat?

C’est M. Leverrier qui se chargea de réfuter officiellement la théorie météorologique de M. Mathieu (de la Drôme). « Dans les recherches de statistique, dit-il, l’illusion est facile; il faut beaucoup d’art pour échapper aux erreurs, qui trop souvent proviennent