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celui dont nous venons de parler ; situé à l’ouest du château, il ne couvre qu’une surface de 12 kilomètres carrés ; les temples et les résidences des grands en occupent les trois quarts. Parmi ces derniers, il faut citer le palais du prince de Ki-siou, père du taïkoun actuel, et celui de la famille du régent Ikammono-kami, qui a succombé à une mort si tragique[1]. Le temple le plus intéressant de ce quartier porte le nom de Mio-hoodchi : il est au milieu d’une véritable ville de couvens, à laquelle on arrive par un sentier de 2 kilomètres environ, bordé de maisons qu’habitent des prêtres ou des moines, et dans lesquelles on vend des objets sacrés semblables à ceux que l’on trouve au temple de Quannon. Le temple de Miohoodchi, vaste, beau, bien tenu, se compose de plusieurs corps de logis, dont le plus remarquable, une vaste salle ouverte à gauche du sanctuaire principal, renferme des milliers d’ex-voto suspendus le long des murs. Ce sont en général des tableaux peu différens de ceux qui décorent certaines chapelles catholiques, comme Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille : ils représentent des navires faisant naufrage, des enfans devant un lit de mort, et d’autres scènes de détresse ou de deuil. Souvent, dans un coin du tableau, apparaît le dieu auquel le croyant adressait sa prière. Un ex-voto, le plus curieux de tous, se trouve dans un coin de la salle : c’est une énorme tresse de cheveux, un câble plutôt, qui a neuf pouces de tour et près de cent pieds de long. Quand on réfléchit que les Japonais considèrent la chevelure comme un des plus précieux ornemens de l’homme, et qu’ils ne consentent que pour d’impérieux motifs à en faire le sacrifice, on a le droit de s’émerveiller à la vue de cet ex-voto, preuve colossale de la superstition humaine, et à la formation duquel des millions d’hommes doivent avoir contribué.

La troisième et dernière partie du Midsi s’étend, au sud du château, sur une superficie de 19 kilomètres carrés, dont un seul à peine est couvert d’habitations bourgeoises ; le reste est consacré aux palais, aux jardins et aux édifices religieux. Ce quartier de Yédo est celui que les étrangers connaissent le mieux à cause des quatre légations européennes qui y sont établies.

La légation britannique est à Todensi. Placée au bord de la mer, dans le voisinage de Sinagava et sur le to-kaïdo, la grande route de l’empire, elle a des abords faciles. Le ministre et sa suite occupent un corps de logis affecté auparavant à la demeure des prêtres qui desservaient le temple de Todensi, situé au bout d’une avenue ombragée et dallée de pierres. La légation anglaise de Yédo a été le théâtre de plusieurs événemens qui marquent des phases douloureuses dans l’histoire des relations de l’Occident avec le Japon : là

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1863.