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tier aristocratique, a peu d’animation. Les quais larges, bien entretenus, bordés d’un grand nombre de palais, sont une des promenades les plus agréables de la capitale; ils offrent sur l’O-kava et sur Yédo des points de vue variés et pittoresques : le fleuve est garni de jonques et de petites barques, surmontées, pour la plupart, de tentes en bambou tressé, et dont un certain nombre, occupées par des jeunes filles, ont une destination semblable à celle des bateaux de fleurs de la rivière de Canton. Quatre ponts en bois d’une construction solide et simple réunissent Hondjo à Yédo; ils portent les noms de Hadsouma-bassi Liogokou-bassi, O-bassi et Yetaï-bassi ; le plus long, O-bassi (grand pont), mesure 160 mattes[1] japonaises, c’est-à-dire 320 mètres environ[2].

Yédo est divisé en trois parties : Siro (le château), Soto-siro (les environs du château), et Midsi (la ville). Une visite à ces trois parties de la seconde capitale japonaise nous fera pénétrer, sinon dans l’intérieur à peu près inaccessible des grandes familles du pays, au moins dans la vie publique de cette société pendant longtemps si peu connue et dont le caractère original se révèle dans les monumens mêmes que nous essaierons de décrire.

Siro, la résidence du taïkoun se trouve au centre de Yédo; de hautes et fortes murailles en font une espèce de citadelle ayant 8 kilomètres de circonférence. Outre le palais du taïkoun, on y voit celui de l’héritier présomptif, ceux des trois gosankios ou princes du sang royal, et d’une vingtaine de daïmios, enfin les habitations des membres du conseil d’état et la mairie, l’hôtel du gouverneur de Yédo. Les palais du taïkoun et de l’héritier présomptif sont séparés des autres par une enceinte particulière. Avant d’arriver à cette enceinte, que les hauts fonctionnaires et les domestiques attachés au service du château ont seuls le droit de franchir, il faut traverser deux larges fossés, sur lesquels sont jetés dix-huit ponts à des distances à peu près égales. La résidence du taïkoun a été visitée dernièrement par les ministres français, anglais, hollandais et américain, ainsi que par plusieurs membres des différentes légations; je tiens de la bouche même des visiteurs que, bien loin d’atteindre à

  1. Le pied japonais (kaneschiak), à très peu de chose près, a la longueur du pied anglais; il mesure 303 millimètres. Pour mesurer les distances, on se sert des multiples de la matte (ken), dont la longueur est de 1m,908. L’unité des mesures de superficie est un carré appelé le tsbou, dont chaque côté mesure 1 ken (1m, 908). L’unité des mesures de capacité est le sio ’ou itcimas (1/16e de pied cube japonais), qui contient 0,01738645 mètre cube. L’unité de poids est le kin ou katty de 60 centigrammes, ou, livre anglaise, 1,323. L’unité monétaire enfin est la pièce d’or, rio ou kobang , qui vaut, suivant le cours, de 10 à 11 francs.
  2. Un cinquième pont a été jet récemment sur l’O-kava au nord de la ville ; il s’appelle Oskio-kaïdo-no-o-bassi (le grand pont du chemin du nord).