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décret, l’avaient voué à la mort comme son frère. L’Aventin avait été plusieurs fois, pour les plébéiens, un refuge : c’était pour lui un asile ; il n’excitait point la sédition qu’il commettait la faute de suivre, et il fit ce qu’il put pour amener la paix.

Le mont Aventin avait toujours été la forteresse des mécontens. La loi Icilia y avait établi, par une distribution des terres publiques, pareille à celle que demandaient les Gracques et qui avait réussi, un grand nombre de petites familles plébéiennes. Cette population de l’Aventin devait être favorable à la cause des réfugiés. Caïus Gracchus trouvait sur cette colline démocratique, avec les souvenirs de l’insurrection contre le décemvirat, le temple érigé à la Liberté par son aïeul, et orné par son père d’un tableau qui représentait une scène d’affranchissement. Son éloquence, que Cicéron, peu suspect de partialité pour lui, a vantée, dut tirer parti de ce rapprochement.

Il voulut aller dans la Curie porter des paroles de concorde ; mais c’était insensé, et on ne le permit point; alors, sur sa proposition, Fulvius y envoya le plus jeune de ses enfans, « le plus beau jeune garçon qu’on pût voir, » dit Plutarque. L’enfant se présenta timidement, gracieusement, en versant des larmes, aux sénateurs, et prononça des paroles de conciliation, que sans doute Caïus Gracchus lui avait fait apprendre par cœur. Plusieurs étaient d’avis d’entrer en pourparlers: mais l’inflexible consul déclara, et je ne saurais l’en blâmer, qu’on ne pouvait traiter avec des rebelles que s’ils faisaient leur soumission : il congédia l’enfant en lui disant de ne revenir que si la soumission était acceptée; on l’envoya de nouveau vers le sénat. Cette fois Opimius le lit arrêter, et ordonna l’assaut de l’Aventin.

Opimius avait prescrit aux sénateurs d’apporter des armes, et a chaque chevalier d’en faire autant et d’amener avec lui deux esclaves. On ne pouvait plus franchement accepter et précipiter la guerre civile. Flaccus y répondit en appelant les esclaves à sa défense; mais il n’avait pas affaire aux généreux volones que Sempronius, père des Gracques, avait affranchis. Opimius fit crier à son de trompe que ceux qui poseraient les armes seraient amnistiés, et que ceux qui apporteraient les têtes de Gracchus et de Fulvius recevraient le poids de ces têtes en or (ce sont déjà les procédés des proscriptions), puis il marcha contre l’Aventin avec des archers crétois, milice étrangère propre à être employée contre les citoyens, comme l’ont été les Suisses. Vivement attaquée par eux, la petite troupe fut bientôt en fuite. Fulvius se jeta dans des thermes abandonnés, où il fut tué avec son fils aîné. Celui-ci avait été pris les armes à la main; mais ce qui doit être une immortelle flétrissure