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du goût ni des contribuables ni des rentiers, et qui, nous le craignons, nous impose une dépense extraordinaire beaucoup plus considérable que l’économie, assurément fort extraordinaire aussi, que M. Fould était parvenu à réaliser. En fin de compte, la présentation du prochain budget nous apprendra peut-être que, grâce à l’expédition du Mexique, nous ne sommes guère plus avancés, au point de vue de la situation du trésor, que nous ne l’étions en 1861.

La question financière est donc un des principaux élémens que l’on doive avoir en vue dans le jugement qu’il y a lieu de porter sur l’affaire du Mexique. Hélas ! ce n’est point le seul. Si c’était le seul, et s’il était possible d’espérer que la présence de l’archiduc Maximilien à Mexico pût suffire à l’établissement d’un gouvernement régulier et stable au Mexique, la difficulté ne serait pas grande. Le nouveau gouvernement mexicain contracterait aisément un emprunt à Londres et à Paris ; sur le produit de cet emprunt, nous retrouverions vite les millions que nous coûte le Mexique, et nous allégerions ainsi notre dette flottante. Malheureusement la question n’est pas si simple, et il n’est guère possible de remettre les responsabilités futures de la France au hasard de l’acceptation de l’archiduc. Ce prince ne refuse point la couronne que la France lui transmet. Plusieurs personnes s’étonnent de cet empressement d’un prince de la maison d’Autriche à accepter un patronage français. Nous ne partageons point leur surprise : s’il était permis en un si grave sujet de se livrer à une saillie de dilettantisme historique, nous rappellerions que la maison d’Autriche ne tient que par les femmes aux anciens Habsbourg, que par les mâles elle n’est autre que la maison de Lorraine, qui a connu jusqu’à une époque peu éloignée de nous le patronage français, et nous trouverions enfin qu’il y a quelque chose de piquant à la fois et de naturel à voir un prince lorrain rentrer dans l’orbite de la France. Mais à quelles conditions l’archiduc acceptera-t-il la couronne ? C’est une question qui est sérieusement posée dans un écrit récent d’un député au corps législatif, M. de Belleyme, la France et le Mexique. M. de Belleyme ne veut point que la France, dans l’établissement du nouvel empire mexicain, aborde l’avenir dans le vague. Il n’est que trop facile de prévoir que l’archiduc Maximilien, en se laissant conduire au trône par la main de la France, nous demandera pendant une certaine période l’appui d’un corps d’armée français. On est même allé jusqu’à indiquer le chiffre de 15,000 hommes comme exprimant le contingent militaire que la France devrait lui fournir. M. de Belleyme s’élève avec une fermeté éloquente contre une telle perspective. « Le gouvernement de Mexico, se demande-t-il, paierait-il les frais du corps d’occupation que la France aurait à maintenir sur son territoire ? Ceci soulève la question de savoir si, aux termes de nos lois, le gouvernement français pourrait mettre une partie quelconque de notre armée au service d’un gouvernement étranger, s’il pourrait, pour ainsi dire, la rendre mercenaire. Il ne faut pas oublier que le service militaire est gratuit en France, et, s’il fallait