Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/1011

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Perier en un volume sous ce titre : les Finances et la Politique. Les lecteurs de ce livre instructif regretteront qu’il n’ait pas été donné à M. Perier de porter lui-même au corps législatif, en face de la contradiction ministérielle, les critiques si bien justifiées qu’il élève sur les actes financiers du gouvernement. C’est là surtout que M. Perier eût pu démontrer avec autorité et efficacité le lien si étroit qui unit la bonne gestion des finances à la liberté politique. Sur ce point-là, nous ne saurions trop applaudir à ses doctrines. Nous ne partageons point toutes ses idées sur quelques détails ou sur certaines questions de forme. Nous croyons qu’il n’attache pas assez d’importance aux réformes introduites par M. Fould dans notre comptabilité financière. Nous n’avons sans doute jamais pensé que ces réformes pussent être efficaces, si le gouvernement et les chambres se laissaient aller à l’entraînement des dépenses inconsidérées. Nous avons cru et nous croyons encore que, si les réformes de M. Fould n’étaient pas capables par elles-mêmes d’arrêter le mal, elles avaient du moins l’avantage d’en rendre la révélation plus claire, et d’en laisser plus nettement la responsabilité à ceux qui ne voudraient pas ou ne sauraient pas le prévenir. L’expérience nous donnera raison. Si des viremens de crédit ont été opérés cette année, il sera facile à la chambre d’en apprécier pour ainsi dire tout de suite les motifs et les effets politiques, tandis qu’avec l’ancien système des crédits extraordinaires le contrôle, arrivant trop tard, eût été illusoire. De même on saisira plus tôt et mieux les conséquences financières de l’expédition du Mexique. Par un bien triste contre-temps, ce fut au moment même où M. Fould entreprenait d’améliorer la situation du trésor que le gouvernement s’engagea dans l’affaire du Mexique. Cette coïncidence et les conséquences financières qu’elle a eues, clairement visibles aujourd’hui, vont être un sujet d’utile méditation et un sérieux enseignement pour les hommes politiques. Voici le curieux spectacle auquel nous avons assisté. D’une part, un ministre des finances s’applique à nous tirer de l’embarras d’une dette flottante d’un milliard ; pour cela, il a recours à l’expédient héroïque de la conversion facultative du 4 1/2 ; il obtient dans cette opération un succès inespéré. Notre dette flottante, considérablement atténuée, est ramenée à des proportions normales. En même temps, d’un autre côté, l’entreprise du Mexique s’engage et se développe : humble au début, traversée bientôt par des incidens qu’on n’a pas su prévoir, elle prend des dimensions inattendues et nous impose des charges énormes. Nous avons souvent insisté sur un des dangers les plus graves de notre système politique, qui est le défaut d’unité et le désaccord qui se manifeste parfois entre les diverses branches du gouvernement. Y a-t-il jamais eu une démonstration plus saisissante de ce péril que celle que nous signalons ici ? Pendant que le ministre des finances fait des miracles pour opérer des économies et obtient de la masse des rentiers le sacrifice sans exemple de la fameuse soulte déposée sur l’autel de la patrie, les départemens des affaires étrangères, de la guerre et de la marine sont occupés d’une opération qui certes n’a été