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effet, à part le talent hors ligne de celui qui inventa ou développa ces faïences rocailleuses à une époque où les plats, les aiguières et les groupes en faïence servaient uniquement à la décoration des dressoirs, qu’y trouvons-nous? Peu de formes élégantes, pas de couleur et vin usage impossible. Qu’un artiste comme M. Pull s’applique à refaire, ces objets d’art avec le scrupule et le respect qu’ils méritent, nous l’approuvons fort; mais qu’on jette dans le commerce en profusion ces vases soi-disant Palissy où des branches de corail peintes en vermillon après la cuisson heurtent l’œil en même temps que le goût, nous ne saurions que blâmer ou passer outre, en regardant cela comme objets de pacotille. M. Barbizet aurait mieux fait de n’exposer que ses pièces principales, qui méritent les égards du critique, lors même qu’elles ne le séduisent pas.

Près de là, nous rencontrons le pompeux étalage de M. Devers. Cet artiste est plus un sculpteur qu’un céramiste. Il a choisi, lui, pour patron Lucca della Robia. Son rêve est de remplacer la statuaire de marbre par la statuaire de faïence, afin d’adjoindre la couleur inaltérable à la sculpture. Italien lui-même, il est tout naturellement de cette école italienne dont Bernard Palissy a été en France le reproducteur aussi intelligent qu’original. Quel que soit le talent des imitateurs de ces styles divers, nous ne saurions approuver la direction qu’ils suivent; nous la croyons radicalement fausse et absolument en dehors des facultés de l’art céramique. C’est donc aux maîtres mêmes de qui ils procèdent que notre observation doit s’adresser.

Il y eut en Italie, à cette époque de renaissance où l’art cherchait des manifestations supérieures, un engouement pour la représentation de la figure humaine qui, ne pouvant se contenter de la peinture et de la sculpture de grand style, s’intronisa dans toutes les industries. Un manche de couteau ou de fourchette, une pelle, un soufflet, une table, un vase en faïence, tout fut sculpté, modelé, repoussé, tailladé en saints du paradis comme en dieux de l’olympe. En tout et partout, on dépassa le but en mêlant sans circonspection l’art élevé à sa suprême puissance avec l’art décoratif et industriel. Des statuettes en terre cuite où se retrouve, sinon le modelé, tout au moins le premier jet de l’inspiration, passe encore, mais des statues émaillées, c’est un rêve auquel il faut renoncer. Eh quoi! cet art de la représentation humaine, qui demande à s’exprimer surtout par la pureté des lignes que donne le modelé du marbre et du bronze, par la saillie des muscles, le moelleux des chairs, en un mot par la finesse des détails, vous avez la prétention de le réaliser avec un émail épais qui coule et s’amoncelle dans tous les creux et sur tous les penchans des corps, avec une terre qui subit en outre un