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et au Kaire, à Venise et à Rhodes, ont fait voir à tous comment l’art se marie à l’industrie. Les artisans anglais de la Cité n’ont pas manqué d’en faire leur profit.

Les cristaux gravés par M. Kessler au moyen de l’acide fluorhydrique nous révèlent au moins un procédé nouveau. Je ne connais pas la méthode qu’il emploie, mais je suppose qu’il réserve, comme dans la gravure à l’eau-forte, à l’aide d’une résine ou d’un enduit quelconque, les parties qui ne doivent pas être attaquées. M. Kessler a, parmi ses verres, un petit cabaret à liqueurs en cristal blanc et orange gravé par ce procédé, qui est charmant; nous n’en saurions dire autant de ses impressions bleues et roses qui se trouvent à côté : elles ressemblent aux fleurs d’étoffes perses qu’emploie la potichomanie.

Les faïences d’art ont pris, en France comme en Angleterre, un développement considérable, qui ne date que de quelques années. Depuis que la porcelaine est venue remplacer la faïence dans les usages de la vie, on ne songeait plus guère à celle-ci; mais les artistes et les amateurs, fatigués du manque de spontanéité et de largeur de la peinture sur porcelaine, ont remis en honneur ces faïences persanes, italiennes et françaises du moyen âge, qui atteignent dans les ventes des prix fabuleux. Cette vaisselle de Henri II si finement incrustée, ces poteries de Bernard Palissy, ces majoliques persanes à reflets métalliques fabriquées en Europe par les Arabes de Majorque, et dont maestro Georgio surprit les secrets, les sculptures émaillées même de Lucca della Robbia, sont aujourd’hui l’objet des recherches des céramistes. Les uns, plus ou moins habiles, mais n’ayant pas l’art industriel pour but, sont entrés dans une impasse et y resteront. Les autres au contraire, s’ils savent concilier nos besoins de luxe avec les lois véritables de l’art décoratif, ont un champ illimité devant eux, et pourront réaliser toutes ces merveilles des contes de fées dans lesquels on voit des palais de rubis, d’émeraudes et de saphirs s’élever comme par enchantement.

Parmi ces derniers, prenons le chef, le céramiste par excellence, celui qui par ses découvertes marche avant tous. Plus d’un visiteur de l’exposition passera peut-être sans s’arrêter devant son modeste étalage. En effet, vous ne trouverez là rien de confectionné comme l’exigent et l’art et le commerce; mais ce que vous trouverez, c’est la base et le secret de ce qui, dans le grand laboratoire de Dieu, se prépare et se combine pour servir à l’application de la céramique. Le potier de Rungis, comme il s’appelle lui-même, chercheur infatigable, chimiste expérimenté, a étudié dans toutes les industries qui constituent la céramique les causes de sa splendeur et de sa décadence. Briquetier, potier, faïencier, porcelainier, verrier,