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LE
PAIN A PARIS

I.
LA MEUNERIE ET LA BOULANGERIE SOUS L’ANCIEN REGIME.

A peine le germe d’une réforme économique est-il semé que le public en voudrait recueillir les fruits. Le consommateur est sceptique et impatient; pour le convaincre, il faudrait l’abaissement rapide des prix commerciaux. Bien des gens en sont encore à douter que la liberté de la boucherie soit un progrès, parce qu’on n’a pas constaté une différence bien sensible dans les prix de la viande. La liberté de la boulangerie est à peine décrétée, elle n’est pas encore en pratique, et il semble qu’un certain doute sur l’efficacité de cette mesure soit entré déjà dans les esprits; il n’est personne qui n’ait entendu dire autour de soi avec une nuance d’incrédulité ironique : « Quand est-ce que nous aurons le pain à meilleur marché ? »

La question ainsi posée devient embarrassante pour les économistes, non pas que leur conviction en soit ébranlée, mais parce qu’il est difficile d’y répondre d’une manière nette et affirmative. Il y a dans chaque industrie des intérêts et des usages qu’on ne change pas par décret du jour au lendemain. Le commerce est fertile en petites ruses pour défendre les prix auxquels il est habitué, et la routine de l’acheteur vient en aide à la subtilité du marchand. Et puis le bon marché n’est appréciable que relativement à la qualité, et l’on ne peut pas prévoir ce qu’imaginera la libre concurrence