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Parmi les questions que soulève l’achèvement du réseau continental, il en est une dernière à examiner. Le public veut savoir si les intérêts engagés dans différentes lignes anciennement construites, si les intérêts de certains grands centres de commerce et d’affaires très favorisés jusqu’à ce jour n’ont point à craindre de voir des changemens plus ou moins sérieux survenir à leur préjudice dans les courans généraux de la circulation. Telles directions communément suivies ne pourront-elles pas être plus ou moins délaissées? L’histoire du commerce est remplie d’exemples d’un semblable abandon. Ainsi la route vers les Indes orientales a plus d’une fois changé. Point d’exemple plus frappant de pareilles vicissitudes que celui de ces cités maritimes de l’Italie méridionale que vont rejoindre aujourd’hui les voies ferrées. Le destin va-t-il de nouveau devenir favorable à ces ports ensablés et déserts? Les rails qui les rattachent au centre de l’Europe, dont ils étaient si loin, promettent-ils de leur rendre l’importance évanouie? Ces questions intéressent plus d’une place de commerce en Europe; elles intéressent surtout nos villes de la Méditerranée. On peut se demander surtout si le port de Marseille, siège de tant d’affaires avec l’Orient, est menacé de voir la circulation reprendre plus ou moins son cours à travers la longue presqu’île italique. La ville des Phocéens aurait-elle à craindre d’être dépossédée d’une partie de sa prodigieuse fortune par le port de Brindes, jadis si prospère, comblé, il y a déjà plusieurs siècles, par la jalousie des Vénitiens, mais où le gouvernement italien projette, dit-on, des travaux réparateurs?

Du côté de l’Océan, problèmes analogues. A l’extrémité méridionale de l’Espagne, près de ce fameux détroit qui marqua pour l’antiquité le dernier terme du monde, il est une ville, Cadix, qui attend aussi des chemins de fer espagnols, dès qu’ils seront reliés au réseau continental à travers la muraille pyrénéenne, les conditions d’un immense essor. Est-ce là une éventualité dont puissent s’inquiéter à juste titre nos ports de Bordeaux, de Nantes, du Havre même? Ont-ils à redouter que la ville andalouse devienne le principal point d’embarquement de l’occident et du centre de l’Europe pour l’Amérique centrale et pour l’Amérique méridionale? Nul doute d’abord, si nous commençons par l’Espagne, que de tous les ports de ce royaume sur l’Océan comme sur la Méditerranée qui devront aux chemins de