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d’autant plus sûrement devant le réseau continental, envisagé en bloc, qu’en divers pays, en Belgique, en Allemagne, en Espagne, etc., les compagnies sont infiniment plus nombreuses que chez nous. Point de comptabilité commune et rapide, point de partage sûr et équitable, à moins de dispositions analogues à celles que leur intelligence des affaires a de si bonne heure suggérées à nos voisins. Circonstance digne d’être remarquée, si les Anglais ne s’entendent pas toujours à constituer de prime abord un système administratif quelconque sous une forme vraiment rationnelle, ils se montrent ensuite pleins de ressources pour neutraliser les inconvéniens qu’ils n’avaient pas su prévenir. Sur le continent, où de nombreux peuples sont en scène, il ne dépendrait d’aucun d’eux, agissant isolément, d’éviter l’éparpillement des concessions; mais il est libre aux compagnies, il est de leur intérêt évident de rechercher les combinaisons propres à supprimer ou tout au moins à restreindre les embarras et les abus qui peuvent provenir de cet éparpillement.

Dans les tarifs, combien d’utiles réformes pourraient résulter de semblables accords! Si vous consultez les nomenclatures adoptées par les différentes exploitations continentales, vous vous perdez dans un inextricable labyrinthe. Pour quelques différences qui s’expliquent par les inégalités existant de ligne à ligne dans la nature et dans la somme des expéditions, il y en a cent dont la raison est introuvable. La similitude dans la tarification devrait être la règle générale sur tout le réseau du continent, et la différence une exception de plus en plus rare. Rien ne serait du reste plus utile à l’essor du trafic, car rien ne s’approprie mieux aux besoins du commerce, qui affectionne les règles simples, permettant le compte facile des dépenses d’une opération. Bien des avantages indirects résulteraient d’un régime uniforme. Il deviendrait plus facile, dans le transport des marchandises et dans le service de la petite messagerie, d’assurer partout une régularité qui semble exclusivement réservée aujourd’hui à certaines destinations privilégiées, aux grands centres de production et de consommation, en dehors desquels les expéditions restent exposées à des délais plus ou moins arbitraires. Autre point de vue : avec la multiplicité des voies ferrées sur le continent et le prolongement des grandes artères, il suffirait d’une organisation homogène pour réduire le nombre des intermédiaires placés entre les chemins de fer et les expéditeurs, et vivant aux dépens des uns et des autres. A la manière d’ailleurs dont les réseaux particuliers sont entremêlés en Europe, on peut espérer que toute entente, même sur un objet spécial, en vue de simplifier tel rouage de l’exploitation dans l’intérêt des concessionnaires, formerait un acheminement à des alliances où le public lui-même trouverait son avantage.