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l’avons dit, aucun avantage, puisqu’il subissait sur toutes choses une augmentation en rapport avec celle des espèces!

La conclusion de la paix avait produit l’effet accoutumé et donné aux affaires une activité relative. Profitant des circonstances, le contrôleur-général essaya de réparer une partie du mal que la guerre avait causé. Il avait créé, depuis 1689, près de 14 millions de rentes au taux de 7 à 8 pour 160. Du mois de décembre 1697 au mois de mars suivant, il en émit 7 millions à 5 1/2, qui servirent à rembourser les plus onéreuses. Pontchartrain eut en cela le bon esprit de suivre l’exemple qu’avait donné Colbert à la paix de Nimègue. Les nouvelles rentes ayant été recherchées, il en créa encore 18 millions à 5 pour 100, économisant, par cette dernière opération seulement, plus de 1,600,000 livres d’intérêts. Il remboursa en même temps un certain nombre de ces charges plus odieuses encore que lourdes qu’il avait démesurément multi()liées, et fit résilier des aliénations temporaires de domaines produisant un intérêt de 8 à 10 pour 100.

Ces mesures prouvent du moins le vif désir qu’avait Pontchartrain de remettre de l’ordre dans les finances. Il y serait arrivé, et son administration n’eût peut-être pas été stérile, s’il avait maintenu la capitation, dont les inconvéniens n’étaient rien, comparés à l’avantage de faire participer aux dépenses publiques la multitude de ceux qui par intérêt et vanité voulaient s’en affranchir. Malheureusement les clameurs des privilégiés l’emportèrent, et la capitation fut supprimée à partir de 1698. Ce fut, il est vrai, pour peu d’années. La funeste guerre de la succession força bientôt d’y revenir. Cette fois le comte de Pontchartrain n’en eut pas les embarras. Il avait été dans le temps proposé à Louis XIV pour le contrôle général sans le désirer, et son ambition était depuis lors d’en sortir honorablement. La marine ne lui convenait pas davantage, et il attendait que le roi voulût bien agréer son fils à sa place, comme il avait fait pour les fils de Colbert et de Louvois. Un jour, c’est Saint-Simon et d’Aguesseau qui le racontent, Louis XIV lui dit : « Seriez-vous bien aise d’être chancelier de France? — Eh! sire, répondit Pontchartrain, comment ne serois-je pas content de quitter la finance pour être chancelier, puisque je la quitterois pour rien? — Eh bien! dit le roi, n’en parlez à personne sans exception; mais si le chancelier meurt, comme il est peut-être mort à cette heure, je vous fais chancelier, et votre fils sera secrétaire d’état en titre et exercera tout à fait. » Boucherat étant mort le 2 septembre 1699, Pontchartrain obtint effectivement les sceaux. D’après d’Aguesseau, qui débutait alors, Louis XIV les avait promis au premier président de Harlay; mais depuis quelque temps il songeait à confier les finances à Chamillard, dont la faveur croissait chaque jour, et pour