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d’autres affaires que les plus diaboliques, et sur la nécessité d’en faire, de quelque nature qu’elles soient. »


Au milieu de tant d’affaires diaboliques, les usurpations de titres de noblesse ne pouvaient être oubliées. Un édit du 4 septembre 1696 (c’était le quatrième ou le cinquième depuis 1660) prescrivit d’en faire la recherche, et l’on a vu qu’il fut créé des contrôleurs de ces titres. Deux mois après, un arrêt du conseil ordonnait l’enregistrement des armoiries. Cette mesure, qui touchait principalement les classes élevées, rencontra sans doute une opposition inattendue, car le contrôleur-général dut faire intervenir le roi.


« Quoique l’affaire des armoiries, écrivit Pontchartrain à M. de Harlay, si on la regarde comme bursale, soit la plus légère et la moins à charge de toutes celles que l’on a faites jusqu’ici, et que, si on la regarde dans son véritable principe et dans ses suites, elle soit avantageuse à tous les sujets du roi, elle a cependant besoin de protection, et l’esprit de l’homme est si bizarrement tourné qu’il semble que ce soit la modicité de la somme qu’il en coûte qui rende cette affaire indifférente, et les avantages qui y sont attachés ou méprisables ou du moins fort à négliger[1]. Le roi, pour détromper de cette erreur et pour donner à cette affaire le mouvement qui lui est nécessaire, a bien voulu s’expliquer publiquement des sentimens qu’il en avoit et du désir que chacun exécutât son édit... »


On exigea donc, pour donner plus d’autorité à cette injonction et forcer les résistances, que les secrétaires du roi envoyassent enregistrer leurs armes par le greffier du corps, et le premier président reçut le même ordre en ce qui concernait le parlement; mais cela n’était rien au prix des sacrifices imposés aux anciens titulaires d’offices, et dont le contrôleur-général semble avoir pris si légèrement son parti. Pour en citer quelques exemples, les anciens jurés-crieurs d’enterremens à Paris durent payer 100,000 livres, les huissiers du parlement autant, et les greffiers 102,000 livres, les commissaires du Châtelet 75,000 livres, pour n’avoir pas les nouveaux confrères dont on les menaçait, et la communauté des marchands merciers donna jusqu’à 300,000 livres pour se débarrasser des gardes de communauté inventés par Pontchartrain.

Une seule création digne d’éloges sortit de ce chaos d’inventions. Le contrôle des actes des notaires, qui est en même temps une source importante de revenus pour l’état et une garantie sérieuse pour les particuliers, date de cette époque; mais, pour une affaire

  1. On a sur ce sujet une lettre de Racine à Mme Rivière, sa sœur. « Vous savez, lui écrivait-il le 16 janvier 1697, qu’il y a un édit qui oblige tous ceux qui ont ou qui veulent avoir des armoiries sur leur vaisselle ou ailleurs de donner une somme qui vu tout au plus à 25 francs, et de déclarer leurs armoiries... »