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cerveau n’est pas moins intéressante à étudier que sa grandeur. On a trouvé aussi dans les anfractuosités ou circonvolutions cérébrales les causes de la diversité des intelligences. Le professeur Huschke a démontré que l’intelligence des races animales était en proportion du nombre des sinuosités cérébrales. Suivant le célèbre Wagner, qui a disséqué le cerveau de Beethoven, ce cerveau présentait des anfractuosités plus profondes et plus nombreuses que celles des cerveaux ordinaires. Les stries du cerveau, à peine visibles chez l’enfant, augmentent chez l’adulte, et l’activité intellectuelle augmente avec elles. Les observations sur la démence, l’idiotisme et la folie confirment ces données. Selon le docteur Parchappe, le poids du cerveau diminue en raison du degré plus ou moins fort de la démence. Le crétinisme provient toujours d’une déformation du cerveau. La plupart des médecins sont d’accord pour reconnaître que dans la plupart des cas de folie on trouve des altérations morbides dans le cerveau, et si on ne peut les constater dans tous les cas, c’est sans doute à cause de l’imperfection de nos moyens anatomiques. Mêmes observations pour la comparaison des races humaines : quelle différence entre le crâne d’un nègre et le crâne noble et développé de la race européenne! Si l’intelligence est en raison directe du cerveau, la réciproque n’est pas moins vraie. Le développement et l’exercice de l’intelligence développent le cerveau, comme l’exercice du lutteur développe les muscles. Si l’on compare les crânes modernes aux crânes antiques, il est indubitable que le crâne des Européens a considérablement grandi en valeur. Plus le type est ancien, plus le crâne est développé dans la partie occipitale, plus il est plat dans la partie frontale. Les chapeliers savent par expérience que les classes cultivées ont besoin de plus grands chapeaux que les classes du bas peuple.

Quant à la composition chimique du cerveau, elle est beaucoup moins simple qu’on a pu le croire, et il contient des substances complexes qu’on ne rencontre nulle part ailleurs, telles que la cérébrine, etc. Certaines matières grasses paraissent avoir une importance considérable dans la composition cérébrale. Le rôle du phosphore y est aussi très important, et Moleschott a pu dire : « Sans phosphore, point de pensée. »

Tout en admettant que l’âme, la pensée, est et n’est autre chose qu’une fonction organique, le docteur Büchner combat cependant la célèbre doctrine de Cabanis que « la pensée est une sécrétion du cerveau, » doctrine qu’un autre écrivain matérialiste a cru devoir rajeunir en ces termes : « Il y a le même rapport entre la pensée et le cerveau qu’entre la bile et le foie, l’urine et les reins. » M. Büchner veut bien reconnaître que cette comparaison n’est pas heureuse.