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des événemens sur lequel est écrit sacrifice, il faudra bien que je remplisse ma destinée. En tout cas, j’irai seul, mais avec la conscience nette d’un patriote intègre, devant le grand juge, et je laisserai ici du moins quelques témoins de mes plus secrètes pensées qui, j’espère, ne rougiront pas de s’appeler mes amis quand même je n’y serai plus.

« STANISLAS-AUGUSTE, roi. »


M. Harris ajoute, et nous-même ajouterons volontiers avec lui, en ne faisant de réserves que sur le titre de grand que la postérité ne peut accorder à Stanislas-Auguste : « Rapprochez cette lettre du langage qu’il me tint, et jugez combien ce grand et excellent homme doit être complètement malheureux. »

Nous avons traduit et donné ici presque tout le journal du séjour de M. Harris à Varsovie, car, quoique les faits qu’il raconte soient connus, les appréciations et les jugemens diffèrent. D’ailleurs il y a toujours quelque chose de curieux dans le récit d’un témoin, lorsque ce témoin a joué lui-même un rôle considérable dans les affaires de son temps. La suite de ces études nous montrera M. Harris ministre d’Angleterre près de Frédéric II, et assistant au dénoûment du drame dont il vient d’esquisser les premières scènes. Il est donc naturel que nous ajournions les remarques et les jugemens, qu’il nous convient d’ailleurs de ne pas multiplier. Si, en plaçant sous les yeux du public les souvenirs d’un diplomate anglais sur un des plus graves événemens du XVIIIe siècle, il est bon de ne pas s’interdire toute critique historique, nous croyons qu’il faut laisser beaucoup à faire à l’esprit des lecteurs. Sans fuir des rapprochemens inévitables, nous ne nous sentons aucun goût pour nous livrer à un examen approfondi dans lequel nous n’aurions pas complète liberté. L’attrait qu’offrirait un pareil examen est moindre, l’utilité peut en sembler contestable dans les pays où la forme du gouvernement ne laisse aux représentans de la nation et à la libre discussion qu’une bien faible part dans les décisions qui engagent la politique extérieure.


CASIMIR PERIER.