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quitte son pays pour aller chercher fortune ailleurs, et c’est le Portugal qui envoie le plus d’émigrans au Brésil. Quelques médecins attribuent la prédominance de cette maladie à la pression qu’exerce le foie sur les poumons. Tout le monde sait que ce viscère acquiert un volume énorme sous l’influence des climats chauds et humides. Sans rejeter cette explication, je crois qu’il faut surtout chercher la cause principale dans les imprudences que trop souvent les étrangers commettent à la chute du jour. Les premières heures de la nuit sont terribles sous les tropiques : le ciel étant toujours étoile, le sol se refroidit vite, et de 40 degrés le thermomètre descend quelquefois à 10. Les effluves perdus dans l’atmosphère retombent rapidement, et viennent empoisonner l’imprudent qui les aspire.

Quant à la fièvre jaune, on peut dire aujourd’hui qu’elle n’est plus qu’un accident. Sur trois individus atteints de cette maladie, on ne compte généralement qu’une victime qui d’ordinaire appartient à la classe ouvrière. Le défaut de propreté, la mauvaise nourriture et les imprudences des travailleurs expliquent ce résultat. Elle attaque de préférence les Européens, surtout les Portugais, et sévit principalement sur les jeunes gens de quinze à trente ans. Nous venons de donner la raison de ce fait. Voici au surplus la liste par nation des individus morts de la fièvre jaune à Rio-Janeiro, du 1er décembre 1856 au 31 mai 1857. On pourra se faire en même temps une idée assez exacte des proportions qu’on trouve dans le nombre des colons que les diverses nations de l’Europe envoient au Brésil.


Portugais 764
Français 139
Anglais 82
Italiens 60
Allemands 59
Nations diverses 188
Brésiliens 80
Esclaves 15
Total 1,387

On voit que les Portugais y figurent pour plus de la moitié, les Français pour 1/10e, et les Brésiliens pour l/17e seulement. Les 5/6es sont des jeunes gens. Le nombre des femmes ne s’élève qu’à 134. Le petit nombre des émigrantes et la vie sédentaire des Brésiliennes expliquent ce chiffre. Le mois le plus terrible est celui de mars, soit parce que l’atmosphère n’est plus purifiée par les décharges électriques qui dans les mois précédens sillonnent l’air chaque jour, soit parce que les miasmes qu’entraîne la saison pluvieuse