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ne fussent validées que par l’unanimité des suffrages ; il fut admis qu’un nonce, protestant contre les opérations de la diète et s’opposant à ce qu’elle continuât, pouvait la forcer à se dissoudre en prononçant ces mots : Veto ou sisto activitatem. Quelque exorbitant que fût ce droit, quelque funestes qu’en fussent les conséquences, les Polonais crurent y trouver une garantie de leur liberté, une sauvegarde contre la vénalité et la corruption. Si quelques tentatives, notamment en 1763, furent faites pour restreindre les effets du veto à l’objet actuel en délibération, le principe ne prévalut pas longtemps. Les ennemis de la Pologne comprirent tout ce que, dans l’état de divisions où elle était arrivée, ce droit fatal renfermait de germes de discorde, et ils furent malheureusement trop secondés par l’orgueil et par un patriotisme mal entendu. Voici dans quels termes la Russie fit consacrer ce liberum veto par la diète de 1767 : « Le liberum veto doit avoir aux diètes toute sa force dès qu’il s’agit des matières d’état, parce qu’elles doivent toujours se décider à l’unanimité des suffrages. Or tout citoyen présent à la diète aura la liberté, par sa seule opposition ou protestation par écrit, de suspendre ses délibérations sur les matières d’état et de la priver de toute son activité. »

Les confédérations n’aidèrent pas moins que le veto à la perte de la Pologne. Rien de plus singulier que ces associations bizarres, révoltes organisées, anarchie quasi légale. Il y en avait de plusieurs sortes : les unes, formées du consentement du sénat et de l’ordre équestre, n’étaient, à vrai dire, que des diètes où le veto était suspendu, car dans toutes les confédérations les décisions se prenaient à la pluralité des voix. Les autres étaient formées tantôt par la noblesse de quelque district, tantôt par l’armée. Presque toujours instrument d’ambitions personnelles, de rébellions, de jalousies et de haines, elles s’appuyaient sur la force, et, comme il en existait d’ordinaire plusieurs à la fois, l’une d’elles finissait par l’emporter en entraînant la majorité de la nation et en faisant violence au pouvoir royal. Les confédérations avaient des formes régulières; elles nommaient des maréchaux dont l’autorité dictatoriale n’était modérée que par leurs lieutenans. C’est à consacrer ces ligues tumultueuses, véritables conspirations au grand jour, rarement utiles, souvent funestes, toujours pleines de périls, que beaucoup de Polonais s’attachaient comme à un palladium. Il est facile de comprendre que la délégation de 1768, sous les ordres de Repnin, n’ait pas négligé d’en sanctionner le principe et d’en recommander l’usage. Nous verrons bientôt que l’effet ne se fit pas attendre.

Les différends entre les catholiques et les dissidens, s’ajoutant à toutes les autres causes de discorde, venaient de mettre le comble