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sence, rentre dans la Grande-Bretagne avec des sentimens de préférence pour d’autres pays et d’éloignement pour le sien, n’a pas d’âme ni de cœur (no real mind) manque de discernement et de toutes facultés de comparaison, qu’il ne mérite pas de jouir de la supériorité morale et politique à laquelle le destinait sa naissance, mais dont son insensibilité le rend indigne. » On trouvera sans doute que le petit-fils de sir James Harris se montre son légitime héritier, lorsqu’après avoir cité ce passage dans sa notice, il ajoute : « Les lettres de lord Malmesbury sont marquées au sceau d’un esprit bienveillant et généreux, libre de tout préjugé, ou n’en ayant qu’un seul, mais glorieux : c’est que rien sur la surface de la terre ne peut approcher de l’Angleterre, et qu’aucun sacrifice, aucun effort, ne doivent paraître trop grands à ses enfans pour la défense de son honneur et de son indépendance. »

Ce n’est pas à nous d’oublier que, lorsque sir James Harris écrivait les lignes que nous avons citées tout à l’heure, l’Angleterre, seule parmi les grandes puissances européennes, jouissait d’un gouvernement libre, et que ses enfans pouvaient s’en montrer justement fiers ; toutefois nous nous en rapportons au lecteur de sang-froid, quel qu’il soit, du soin de décider si une pareille exaltation d’amour-propre national n’est pas trop voisine de l’orgueil, si elle laisse à l’esprit la liberté des appréciations, à la raison la rectitude du jugement, et si, lorsqu’on se croit si supérieur aux autres, on n’est pas trop près de se croire parfait. Certes nous aimons que lord Malmesbury, élevé à la pairie en récompense de ses longs services, ait pris pour devise : ubique patriam reminisci ; mais il est à regretter que son admiration pour l’Angleterre, son dévouement à ses intérêts et à sa grandeur, l’aient si souvent rendu injuste, inconséquent et aveugle dans sa haine contre la France.

« La vie de lord Malmesbury embrasse une période de soixante-dix années pendant lesquelles, soit par la diplomatie, soit par la guerre, l’Angleterre fut en guerre ouverte avec la France… Il vécut assez pour voir triomphante, et consacrée par l’évidence, cette politique extérieure dont les principes, posés dès les premières années de sa jeunesse, avaient été défendus par ses illustres chefs et par lui-même : — que c’est de la France seule que l’Angleterre peut avoir quelque chose à craindre, mais que ses agressions peuvent être toujours repoussées avec succès. » Cette déclaration si catégorique de la notice de 1845 suffit à expliquer l’animosité passionnée qui, dans les correspondances que nous voulons interroger, perce partout contre notre pays. Il se trouvera peu d’hommes éclairés qui jugent sir James Harris, malgré tout son mérite, aussi exempt de préventions et de préjugés que le dit son petit-fils.

Sans remonter au-delà de la guerre de sept ans, il est trop vrai