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qui furent obligés de les écarter des provisions en leur jetant des morceaux de bois : aucun des hommes n’avait de fusil. Les renards s’éloignaient lentement, à regret, et, ayant trouvé le paletot que le capitaine avait jeté à terre pour grimper après une mouette, ils s’amusèrent à le déchirer, et l’imprégnèrent d’une odeur qui rappela pendant bien longtemps à son propriétaire le souvenir des renards bleus de Jan Mayen.

Les voyageurs du Joachim-Hinrich avaient l’intention d’aborder la pointe sud de l’île; mais le lendemain les brouillards revinrent, le vent tourna au nord-est, ce qui ne leur permit pas de contourner la côte, et, à leur grand regret, ils durent faire leurs adieux à l’île Jan Mayen et mettre le cap sur l’Islande. Cette dernière île se rattache au Groenland, et par conséquent à l’Amérique plutôt qu’à l’Europe : elle a déjà été décrite par un grand nombre de naturalistes allemands, anglais et français. Il suffira de recommander aux géologues les idées émises par M. Vogt sur les formations volcaniques de l’Islande, qu’il rapproche de celles de Jan Mayen. Nous signalerons aussi aux gens du monde le récit de la visite aux Geysers, la description de la vallée de Thingvalla, de Reikiavik, etc.

L’expédition de MM. Berna, Vogt et Gressly à l’extrémité septentrionale de l’Europe a compté, on a pu le voir, bien des journées utilement remplies pour la science. Parmi les résultats qui ont couronné ces louables efforts, il en est quelques-uns que sans doute l’on voudra connaître. Je citerai en première ligne la distinction du granité éruptif et du granité stratifié. M. Vogt considère le granité stratifié comme une roche métamorphique, c’est-à-dire comme une transformation par des actions chimiques séculaires de couches sédimentaires, — grès, calcaires, argiles en assises cristallines qui conservent encore les formes caractéristiques des montagnes secondaires. Ces vues entièrement nouvelles lui ont été inspirées par l’étude des côtes de la Norvège depuis Stavanger jusqu’au Cap-Nord : elles ne seront pas admises d’emblée par les géologues, mais elles éveilleront fortement leur attention, car elles sont d’accord avec les résultats auxquels l’analyse a conduit des géologues chimistes tels que MM. Seheerer, Ebelmen, Henri Deville, Daubrée, Delesse, etc. À ce métamorphisme, M. Vogt rattache le soulèvement de la péninsule scandinave, soulèvement lent, mais continu, dont les traces existent sur les côtes de la Mer du Nord comme sur celles de la Baltique. L’exhaussement de la côte suédoise est mesuré avec le plus grand soin par une commission de l’Académie des sciences de Stockholm. Les observations de MM. Vogt et Gressly, si familiers tous deux avec les phénomènes des glaciers de la Suisse et les