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du gouvernement de cette époque de tous les instrumens les plus perfectionnés, les jeunes voyageurs qui firent partie de cette commission abordèrent toutes les questions dont les savans scandinaves poursuivent aujourd’hui l’étude avec tant de succès[1].

De Hammerfest, l’expédition allemande alla visiter le Cap-Nord, c’est-à-dire le promontoire le plus septentrional de l’Europe : il forme l’extrémité de l’île Mageroe: c’est le but final de tous les touristes que le bateau à vapeur de Drontheim transporte à Hammerfest : le trajet ne peut se faire qu’en canot et devient très long, si l’on est contrarié par le vent. En tout cas, la vue du Cap-Nord n’est point une déception; cette masse imposante de rochers escarpés d’une teinte sombre est digne de terminer ce grand promontoire de l’Asie qu’on nomme l’Europe, et dont les habitans, supérieurs en intelligence au reste des hommes, tendent à envahir le monde.

La vue de ce promontoire fameux ne produisit pas sur nos voyageurs l’impression profonde qu’il a laissée dans mes souvenirs. Chacun n’a-t-il pas éprouvé par lui-même combien le beau ou le mauvais temps, la fatigue, la faim, la soif, l’entourage, et surtout les dispositions de l’esprit, modifient les impressions que nous recevons des objets extérieurs? Les plus vives étant en général les meilleures, le lecteur me pardonnera si je substitue le récit de mon voyage au Cap-Nord à celui de M. Vogt.


II. — LE CAP-NORD.

C’est le 13 août 1838 que je partis de Hammerfest pour le visiter. Deux embarcations contenaient la plupart des officiers de la corvette la Recherche, qui avait amené à Hammerfest et devait conduire au Spitzberg les membres de la commission scientifique du Nord. En sortant du port, nous entrâmes immédiatement dans le large canal compris entre les îles de Qualoe et de Soroe, et nous ne tardâmes pas à nous trouver presque en pleine mer. L’air était calme, et même trop calme, car nous n’avancions qu’à force de rames, et tandis que la légère barque norvégienne glissait légèrement sur les eaux, la lourde chaloupe de la corvette avait peine à la suivre. Le soir, nous débarquâmes à Rolfsoe : c’est une île habitée seulement par quelques pêcheurs. Nous y passâmes quelques heures pour lais-

  1. Les résultats de l’expédition française sont consignés dans un ouvrage de quinze volumes, accompagné de plusieurs atlas, publié par ordre du roi Louis-Philippe et distribué généreusement à un grand nombre de bibliothèques publiques. Le prix élevé de cet ouvrage l’empêche malheureusement d’être ’à la portée de toutes les bourses. Aussi les faits qui y sont consignés ne sont-ils pas connus comme ils devraient l’être, et les travaux des premiers voyageurs scientifiques qui aient séjourné en Laponie ne sont-ils pas rappelés avec cette justice impartiale dont les savans français et suédois de l’expédition ont donné l’exemple dans la publication dont je parle.