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giens considèrent comme un auxiliaire l’immense cétacé qui engloutit chaque jour des milliers de ces harengs dont son apparition signale la présence.

A Bergen, l’expédition lut accueillie, comme partout en Norvège, avec la plus franche cordialité; mais l’été si court des régions boréales nécessitait un prompt départ, et les voyageurs se remirent en mer pour visiter le fiord de Molde, qui dans le nord passe pour l’un des plus pittoresques de la Norvège. Toutefois, pour des yeux habitués aux paysages grandioses de la Suisse, les lignes uniformes de la Norvège ont peu d’attrait, quoique le Molde-Fiord rappelle sous beaucoup de rapports les aspects pittoresques du lac des Quatre-Cantons. Parfois il se rétrécit au point qu’on se figure en avoir atteint l’extrémité; puis deux rochers semblent s’écarter, le navire, toué par un petit remorqueur attaché au service du fiord, s’engage dans l’étroit passage, la baie s’ouvre de nouveau, entourée de vertes prairies, parsemée de petites maisons rouges, surmontée de grandes montagnes chargées de glaciers. Devant Naes, le navire laisse tomber ses ancres, on touche aux hauts plateaux de la Norvège, et je m’efface volontiers ici devant M. Charles Vogt, dont je croirai souvent utile dans le cours de cette étude de reproduire fidèlement le récit.

« Devant nous était une presqu’île basse d’où s’élevait un groupe de collines herbeuses qui nous dérobaient la vue des montagnes dominées par le double sommet du gigantesque Romdalshorn. Vers l’est, l’œil plongeait dans une baie tranquille, l’Iis-Fiord, au fond duquel les montagnes se rapprochaient pour former une gorge parcourue par une petite rivière sinueuse dont la source était au pied des glaciers qui descendaient jusque dans la vallée.

« Nous nous hâtons de prendre terre pour faire une promenade au-delà de Naes, dans une autre vallée d’où sort le fleuve du Romsdal. De tous côtés s’élèvent des montagnes de schiste et de gneiss dont les couches presque verticales se terminent en pointes et en pyramides rappelant les formes des aiguilles de Chamounix ou de la chaîne du Valais. Nous atteignons la grande route qui passe sur des monticules séparés par des fonds tourbeux où végètent des bouleaux nains, tandis que les collines elles-mêmes sont couvertes de prairies. Le trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata) fleurit dans les eaux stagnantes, tandis que les myosotis et d’autres fleurs des prairies nous rappellent notre patrie. Le Romsdal-Elf[1], contrarié par la marée montante; coule à peine, et des mouettes, des corbeaux et des oiseaux de rivage animent ses bords sablonneux. L’autre rive

  1. Elf, fleuve, rivière, en norvégien.