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les premiers échantillons du granit norvégien. Impatiente de gagner Bergen, l’expédition ne resta que deux jours à Stavanger.

Bergen est la ville la plus commerçante de la Norvège; elle compte vingt-cinq mille habitans, dont les occupations se rattachent plus ou moins à la pêche et au commerce du poisson. Bergen est une colonie commerciale de Hambourg, et n’a d’autre raison d’être que de se trouver au centre des pêcheries du nord et du sud de la Norvège. Deux poissons, le hareng et la morue, occupent exclusivement une véritable flotte de bateaux pêcheurs échelonnés depuis le sud de la Norvège jusqu’au Cap-Nord. Le hareng, suivant la croyance de ceux mêmes qui le poursuivent, habiterait les profondeurs des mers polaires, d’où il émigrerait à certaines époques fixes. Longeant d’abord la côte du Groenland, la masse se diviserait en deux armées à la hauteur de l’Islande : la première, s’avançant dans l’ouest, se répandrait le long des côtes de l’Amérique septentrionale, de l’Ecosse, de l’Angleterre, de l’Irlande et du continent européen ; l’autre armée se dirigerait droit vers le Cap-Nord, descendrait le long des côtes de la Norvège, pour s’engager ensuite par le Cattegat dans la Mer-Baltique. L’œuvre de la reproduction accomplie, les harengs retourneraient dans l’Océan-Glacial, après avoir payé le tribut d’un sur dix individus aux pêcheurs de toutes les nations qui les attendent à leur passage. Voilà le roman, voyons l’histoire. Le hareng n’habite pas dans les mers polaires; il se tient dans les profondeurs des mers circonscrites par les rivages où il fraie. On le pêche toute l’année avec des lignes de fond dans le Molde-Fiord par exemple, et en juillet il est très gras, et ne contient ni laitance ni œufs. L’hiver est la saison de la ponte; mais elle avance ou retarde suivant des circonstances qui n’ont pas encore été bien éclaircies. C’est au mois de février qu’on pêche ce poisson entre Stavanger et Hoegesund. Les femelles sont remplies d’œufs, les mâles de laitance, et quatre mille bateaux, occupant vingt mille hommes, se livrent à cette pêche. Tantôt les poissons nagent si près de la surface et en bancs si serrés, qu’on voit la mer, sur de grands espaces, scintiller du reflet de leurs écailles. D’autres fois ils se tiennent à une certaine profondeur; mais les pêcheurs voient flotter à la surface une substance huileuse : c’est la bile des milliers de poissons déchirés par des espèces voraces qui les poursuivent sans relâche, sans compter les dauphins, les marsouins et les phoques, qui en font un carnage épouvantable. Leur plus grand ennemi cependant est la petite baleine (Balaenoptera musculus) dont les pêcheurs saluent l’apparition avec joie, parce qu’elle pousse les bancs de harengs dans les fiords, et s’oppose à leur sortie jusqu’à ce que le dernier soit pris ou dévoré. Il est assez singulier que les pêcheurs norvé-