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Cloche. Un brick, le Joachim-Hinrich, avec huit hommes d’équipage et commandé par le capitaine Stehr, a été frété à Hambourg et pourvu de tout le matériel nécessaire pour un voyage dans les mers boréales. Le 29 mai 1861, le navire levait l’ancre dans le port de Hambourg et se faisait touer par un bateau à vapeur jusqu’à Glueckstadt: de là il descendit lentement le cours de l’Elbe et passa la nuit à Cuxhaven, petit port situé à l’embouchure même du fleuve, dans la Mer du Nord. Le lendemain, le navire gagna le large et reconnut de loin l’île anglaise de Helgoland. La mer étant calme, on mit la drague à la traîne; quand on la releva, le sable qui la remplissait provenait évidemment de l’île de Helgoland. Composé de grès vert et d’autres couches crétacées, cet îlot est sans cesse rongé par les eaux de la mer, car la craie qui le compose ne renferme pas ces silex qui, s’accumulant au bas de la falaise, formeraient, comme sur les côtes de Normandie, d’Angleterre et de l’île de Rügen, une digue qui brise la lame et protège les terrains plus meubles contre l’action destructive des vagues. Aussi pourrait-on presque calculer l’époque à laquelle l’île de Helgoland, incessamment rongée par la mer, disparaîtra totalement de la surface des flots.


I. — LES CÔTES DE NORVEGE.

Le 1er juin 1861, les voyageurs aperçurent la côte de Norvège, semblable à une longue ligne sinueuse : ils se trouvaient dans les eaux de Stavanger et résolurent d’aborder pour se faire une idée de la pêche du hareng, qui a lieu principalement dans ces parages. La petite ville de Stavanger est située au fond d’une baie sinueuse et profonde. Ces baies s’appellent en norvégien des fiords. L’entrée de ce fiord était obstruée par des îlots bas, arrondis et dépourvus de verdure : semblable à un lac, le fiord se prolongeait dans l’intérieur des terres, il était bordé par des montagnes couvertes de neige, et dont les glaciers semblaient descendre jusqu’à la mer; mais ces montagnes n’avaient pas les formes pittoresques des Alpes ou des Pyrénées, surmontées de pics, d’aiguilles ou de dômes s’élançant résolument dans le ciel. Semblables à de longs sarcophages couverts de linceuls blancs, ces massifs uniformes se prolongeaient au loin comme le profil d’un immense plateau; çà et là seulement la ligne était interrompue par une découpure, indice de l’origine d’une haute vallée. Bientôt plusieurs embarcations accostèrent le navire; elles étaient montées par des pêcheurs qui venaient offrir du poisson et demandaient en échange non de l’argent, mais du pain. Les voyageurs débarquèrent ; la chasse, la pêche, occupèrent les zoologistes; le peintre prit des vues du pays; le géologue détacha de ces rochers